JOURNAL

 

 

 

1er septembre 2024 : au rayon des prochains événements.

 

- vendredi 4 octobre à 15 heures, conférence de clôture au colloque "Biblioclasmes" à la bibliothèque municipale de Toulouse, suivie d'un comptoir Ombres blanches sur place pour Ma poussière est l'or du temps, recueillie et mise en état par Lucien X. Polastron, usager.

- mercredi 9 octobre à  15 heures, conférence à l'académie d'Agen sur l'histoire brève mais générale des grandes bibliothèques depuis 2 500 ans (sur invitation pour les non membres).

- samedi 12 octobre à 15 heures, rencontre et dédicaces à la librairie Martin-Delbert pour Ma poussière est l'or du temps, recueillie et mise en état par Lucien X. Polastron, usager.

 

30 août 2024 : un ministre démissionnaire nous a inventé les "groupes de niveau" pour l'éducation nationale, après quoi une ministre démissionnaire les a remplacés par des "groupes de besoins", dont on suppose qu'il faut les installer près des latrines.

 

25 août 2024, les choses qui ne s'inventent pas : "Dans le regard de la femme il y a la flèche empoisonnée du Diable" assène un imam de Marseille.

 

20 juin 2024 : tous les hommes qui se laissent pousser la barbe ont quelque chose à cacher. Mauvaises actions, pensées boiteuses, ou seulement la honte de ne pas se raser tous les jours. On remarquera par ailleurs qu'il existe très peu de femmes à barbe...

 

5 juin 2024 : Vous avez de l'Intellicielle artifigence ?

- Bien sûr ! Tapez ici votre identipasse et votre mot de fiant.

 

31 mai 2024  : "Je suis devenu, en vieillissant, une espèce d'homme, sans cesser pour cela d'être une espèce d'enfant" (Charles Nodier, "M. Cazotte", Contes, Garnier, p. 597).

 

25 mai 2024 : régression des lettres, ad libitum ? Notre petit pays aime les miniaturisations. Par exemple, on le voit passer de Attali à Attal, non sans logique. Mais attention, si cette règle a une vigueur, le prochain serait Atta (rappelez-vous, ce fut le nom de l'horreur incarnée, au World Trade Center en 2001). Après quoi, on nous mijote semble-t-il ATT, l’Allongement du Temps de Travail. En voudrons-nous encore ?

 

20 mai 2024 : choses curieuses que l’on apprend soudain. L’année 1900 appartient au xix ͤ siècle et l’année 2000 au xx ͤ siècle. Le xxi ͤ siècle et le III ͤ millénaire commencèrent seulement le ier janvier 2001 (J-P Lacroux, Orthotypo, p.309).

 

15 avril 2024 : 71 pulsations à la minute, multiplié par 60, cela fait 4 260 à l’heure. En 24 heures, 102 240 pulsations donc, et en une année de 365 jours, 37 317 600. Un octogénaire peut ainsi se vanter d’avoir fourni près de trois milliards de battements de cœur, même s’il ne comprend pas comment ni pourquoi et se demande si les batteries de téléphone ou de voiture ne sont pas ridicules à côté de ça. On devrait le récompenser pour sa performance : un dollar le battement, par exemple.

 

12 avril 2024 : Il faut fuir comme la peste le discours des fonctionnaires, technocrates et affairistes du livre, qui est aussi éloigné du monde des lecteurs qu’une analyse chimique d’Alpha du Centaure ou du local poubelles des HLM. Par exemple, ce rapport consacré au livre d’occasion qu’en haut-lieu on voudrait bien racketter avec une sorte de "reste à charge", comme pour les gens malades.

Loin de ce foin, voici mon témoignage de larron qui fait l'occasion :

J’acquiers et lis en moyenne une douzaine d'ouvrages par mois grâce à quatre canaux. 1°) Je commande à la grande librairie locale les livres neufs, qui m'arrivent en trois jours ; je les commande parce que son stock pharamineux contient soit des titres que j’ai déjà, soit des débilités passagères. 2°) Je sérendippe chez mon bouquiniste favori les textes dont je n'ai jamais entendu parler. 3°)  Je recueille dans les boîtes aux livres les laissés pour compte du désherbage de ma bibliothèque municipale, car on bien sait que, depuis 1977 la mort lente des BM a été décidée par les politiques. 4°) Je traque journellement sur les plateformes en ligne les titres en seconde main que leurs scandaleux éditeurs ont laissés tomber de longue date ; et il y en a des millions... En ce sens, on pourrait presque dire qu'il s'agit d'une vente forcée.

Voilà des pratiques vraies et partagées, mais ignorées par nos soi-disant spécialistes dans leurs pensums filandreux, où se manifeste leur ignorance du sujet.

 

19 mars 2024 : Mieux vaut parfois rester au frais. Un vieux routier de la chansonnette que l’on croyait embaumé pense voler au secours d’une consœur victime du racisme et proclame être là « pour défendre l’injustice ». Peut-être a-t-il pour modèle cette députée bavarde qui, le mois dernier, annonçait qu'elle rejoindrait la manifestation « pour soutenir l'antisémitisme ».

 

17 mars 2024 : Cette automobile bien punie par Chavis Marmol que je regardais hier me remet en mémoire La Nona Ora, où l'on voit le pape Jean-Paul II en grande tenue terrassé par une pesante météorite. C'est une initiative de Maurizio Cattelan, grandeur nature (datée de 1999, aujourd'hui propriété d'un milliardaire ordinaire, qui se dévoue pour en effacer la portée en l'intégrant dans sa "collection" ; sans doute sera-t-il reçu au paradis). Voici donc deux des sept grandes plaies de l'humanité à mes yeux - la voiture et la religion -, montrées du doigt par des gens clairvoyants, qui empruntent comme arme idéologique un bloc de nature. Ces plaies, justement, on peut leur appliquer l'expression d'Emil Cioran : des "fléaux artificiels" (Ecartèlement, 1990, page 40).

 

16 mars 2024 : Le monde bouge encore un peu, c’est bien. En ce jour nous parviennent deux nouvelles encourageantes. D’abord, le sculpteur mexicain Chavis Marmol (« marbre » en espagnol) écrase une Tesla à 40 000 dollars (prix d’occasion) avec une tête de guerrier ou de dieu olmèque, taillée dans un bloc de pierre de 9 tonnes. En même temps, tous les MacDo de la planète sont victimes d’une panne informatique générale les amenant à fermer, ou à noter les commandes et faire les aditions avec du papier et un crayon.

 

03 mars 2024 : Lire ? Il s’agit d’un phénomène qui intrigue de plus en plus l’univers littéraire et les cabinets médicaux : la bibliothérapie. Quelle est donc cette nouvelle forme de thérapie ? Quels apports fournit cette expérience à notre corps d’après la science ? Explications dans Le Mug. Lire serait excellent pour la santé. Cette activité, pourtant peu physique, serait peut-être même meilleure pour la santé que la gym. Par exemple, lire renforce les synapses qui relient les neurones et lire permet de compenser les pertes de neurones chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. On sait que lire améliore la mémoire et la réflexion. On sait aussi que lire est anxiolytique, c’est-à-dire qu’un bon livre diminue l’anxiété du lecteur. Et puis, selon une étude de 2016 publiée dans la revue Social Science & Medecine par la scientifique Avni Bavishi, lire un chapitre par jour augmenterait votre espérance de vie de 20%. Les lecteurs vivraient donc beaucoup plus longtemps que les non-lecteurs. Au contraire des sportifs qui meurent souvent plus jeunes que les autres (RTBF, 29 février 2024).

 

27 février 2024, 19 heures. Depuis le tramway toulousain qui file en silence vers Purpan, j’observe l’embouteillage interminable sur la route qui longe les rails dans le sens opposé, et je me dis que c’est là une parfaite image de l’humanité : comme ces véhicules, on ne sait d’où elle vient ni où elle va, tandis que chaque individu, solitaire et immobile là-dedans, s'occupe à produire sa quotité de gaz d’échappement et de CO².

 

5 février 2024 : Rêvé qu’un émissaire de la présidence me demandait, m’implorait même, de créer un ministère du Sens. Il est de fait que le conseil des ministres même réduit sonne comme une tinée de turlupins allant à hue et à dia, une assemblée où le seul consensus paraît l'ambition personnelle ; en corriger les travers et les traverses en donnant une signification harmonieuse à toutes leurs initiatives pourrait en effet améliorer la destinée du pays. Bien sûr, il me faudrait supporter un gros salaire et une berline avec chauffeur, disait l’émissaire, de façon que mes collègues ne me méprisent pas. Je déclinai.

 

1er février 2024 : Découvrir, ou recouvrir ? « Il faut découvrir Gadda » dit, avec flamme, un Philippe Bordas. Non sans raison, il met Carlo Emilio Gadda parmi les plus grands à ses yeux, Joyce, Musil, Céline... tous auteurs que moi - non sans flemme -, je trouve illisibles ou ennuyeux, tels des forçats je ne dirais pas de l’écriture mais de l’écriterie, et dont la devise pourrait être scribo nec puto. Ai donc passé hier plus d’une heure à feuilleter des pages de romans de Gadda, tous en stock dans la plus riche librairie du monde (Ombres blanches) et n’ai pu me résoudre à en acheter aucun.

 

26 janvier 2024 : une coquille parfois en dit long, mais en est-ce une vraiment ? "La Rhérotique de la description romanesque chez Julien Gracq", Michel Murat, in Les Angevins de la littérature, 1979.

 

23 janvier 2024 : poète, "il ne se nourissait que de brouillard étendu sur une épaisse tranche de nuage et assaisonné d'un rayon de lune" (Nathaniel Hawthorne, Contes étranges, p.261).

 

22 janvier 2024 : Bravo à Elizabeth, baronne Sanderson of Welton, membre de la chambre des Lords, qui vient de déposer le rapport sur les bibliothèques du Royaume commandé par le ministère de la Culture en 2022. Vu l'importance du sujet, elle préconise, entre autres propositions énergiques et sans langue de bois, de créer un ministère des Bibliothèques ! Sommes-nous capables de suivre son exemple ? Peut-être, un jour, quand nous aurons un gouvernement d'un bon niveau.

 

19 janvier 2024 : Afin de confirmer la tendance, on voit le chef suprême de la diplomatie française tenté de faire avaler que son français pour le moins hasardeux vient d'un trouble prépubertaire. Et d'enfoncer le clou en déclarant : cela n'a "pas d'implication sur mon travail" au lieu d'incidence ou influence, etc. L'analphabétisme fait bon ménage avec la mauvaise foi, semble-t-il.

 

15 janvier 2024 : Pour la seconde fois cette semaine, je lis dans une presse pourtant sérieuse « Si tenté que... » au lieu de « Si tant est que... ». A la rigueur, on peut dire : "Si tenté que je sois, chère marquise, de vous courir après, je n'en ferai rien."

A la suite de « emprunt » qui remplace déjà « empreint », c’est un pas de plus vers une réforme radicale de l'orthographe par l’écriture phonétique (à l’usage d’une faune étique, peut-on supposer).

 

12 janvier 2024  : mon vieux jardinier, qui est le seul lien que je conserve avec le monde extérieur, me raconte que le ministre de l'Aculture est encore et toujours une femme, nommée Rachiti Dada , si j'ai bien compris. Mais quelle importance ?

 

27 décembre 2023 : l'obscénité ne connaît pas de borne dans l'affaire de l'autoroute Pierre Fabre (voir ici les accointances de cet industriel avec tout ce qui l'entoure et au-delà), aussi le projet est-il affublé du numéro 69 !

 

26 décembre 2023 : Le lecteur exigeant ne lit, bien sûr, rien de ce qui s’écrit aujourd’hui, tout au plus quelques romans centenaires et encore : mais s’ils lui paraissent fades, bavards ou trop légers, il en lit deux simultanément, l’un les après-midi, l’autre le soir, de façon que leurs intrigues et personnages se mêlant, une œuvre bien plus originale s’insinue dans ses ruminations d’insomnie, voire de ses rêves.

Un exemple entre mille de cette copulation fructueuse : L'homme coupé, de Pierre Albert-Birot (La Barbacane éd.) - qui se situe à mi-chemin entre WaltDisney et Arthur C. Clarke - et L'auberge volante, de G.K. Chesterton (Les Belles Lettres éd.), ouvrage indigeste où se dissimulent les pointes d'humour.

 

25 décembre 2023 : si un chef d'Etat "adore la bagnole", protège les chasseurs, les motards et les pesticides... comment s'étonner qu'il soit fier d'un acteur jouant les monstres avec autant de naturel ?

 

21 novembre 2023 : Napoléon ? Vexé d'apprendre que les spectateurs français n'iront pas plus loin que la bande annonce, Ridley Scott a dit  "On sait bien que les Français ne s'aiment pas."

 

November 20th, 2023 : Napoleon! Ridleyculous Scott, here is your next title: Time to retire?

 

15 novembre 2023 : Facebook tente d'imposer son racket. On doit l'en remercier car saute alors aux yeux de tous que Facebook ne servait à rien.

 

9 novembre 2023 : Jean-Pierre Mocky est peut-être le seul réalisateur français que l'histoire du cinéma retiendra pour la fin du siècle dernier. En mettant de côté des ratages complets comme L'albatros, on voit bien que les maladresses et l'absurdité de ses succulents navets - Snobs par exemple - confinent à la poésie pure, animée par un fouillis de personnages des plus tordus. Arte ne s'y est pas trompé ; re-regardant hier soir La grande lessive, on remarque la prestation inégalable de Jean Poiret en maître du pays, c'est-à-dire patron de la télévision, où il semble bien qu'un certain Emmanuel M. puise l'inspiration et les mimiques de ses allocutions quotidiennes. Mocky aurait apprécié un tel personnage, me semble-t-il.

 

8 novembre 2023 : "Rien n'est plus ridicule que le sport, cet alibi préféré entre tous pour justifier l'absence complète de signification de l'individu." Thomas Bernhard, La cave, Gallimard/Biblos,1990, p. 160.

 

7 novembre 2023 : le cinéma a de beaux jours devant lui. Après Le Consentement, Le Ravissement et L'Enlèvement, tous trois projetés cette semaine, on se prépare à tourner Le Tapotement, Le Redressement, L'Embêtement, et d'autres encore.

 

6 novembre 2023 : Des prix littéraires, il en existe presque autant que d'éditeurs connus. Aussi tout le monde est content une fois par an. De leur côté, les éditeurs et auteurs très indépendants du marché préparent un bandeau qui dit : "Livre garanti sans prix littéraire". Ce peut être un gage de qualité.

 

20 octobre 2023 : Biblioclasmes est le titre et le sujet d'un colloque en préparation à l'université Jean Jaurès de Toulouse, où il se déroulera du 2 au 4 octobre prochain. Alberto Manguel prononcera la conférence inaugurale et Lucien X. Polastron la conférence de clôture, tels deux serre-livres face à face. On peut en savoir davantage voire proposer une intervention sur le site https://biblioclasm.hypotheses.org/

 

20 juillet 2023 : Marcel Proust, c'est le Raymond Roussel du pauvre.

 

20 juin 2023 : Jankélévitch, "son oeuvre pourrait bien se révéler l'une des plus importantes du XXe siècle" dit son méchant éditeur le Seuil, qui s'assoit lourdement sur les vingt-deux titres dont il a les droits mais, d'après son catalogue en ligne, n'en imprime qu'une petite poignée.

 

1er janvier 2023 : ce site a vingt ans. Un tunnel appelé "Rédaction d'un nouvel ouvrage" ne permet pas de l'alimenter. A l'approche de l'hiver 2023-2024, le bout du tunnel devrait cependant s'éclairer.

 

31 octobre 2022 : Pastoureau, Soulages, Polastron : le noir chasse le noir...

 

30 août 2022 : Je ne croyais pas si bien dire il y a dix jours. La critique unanime entreprend de nous chauffer les oreilles avec une vieille demoiselle appelée Despentes dont les afféteries semblent en effet fatales si on les compare, par exemple, à ce sommet de la turpitude qu'est Perfidia, de James Ellroy, dont je suis en train de mâchonner tel un chewing-gum au vitriol les 915 pages (10 € !) 

 

20 août 2022 : L’édition française subit chaque année, et toujours plus fort, un dérèglement dramatique appelé la rentrée littéraire. Les lecteurs sérieux évitent ses effets délétères en fuyant, par exemple aux Orcades, afin de ne pas entendre cette nuisance saisonnière agiter abusivement le mot « livre ». Car on sait que seuls les écrits nuls sont invités à jouer dans cette cour de décréation. Passé Noël cependant, la folie s’apaise, on peut rentrer.

 

18 août 2022 : Ai consacré trois heures à la superbe exposition consacrée à la femme et la société dans l'Égypte ancienne, qui dure jusqu'au 31 décembre. "Hijas del Nilo", Palacio de las Alhajas, pl. de San Martín, Madrid.

 

15 juillet 2022 : le manga est-il un livre ? A l’heure où la « filière » s’extasie de voir les ventes exploser grâce à lui, on voudra bien lui claquer le museau avec la fable des serviettes et des torchons. Rappeler que quand on était petit, on lisait des « illustrés », où un pavé de typographie en bon français était couronné d’une image de la même taille. L’auteur osait y glisser une bulle de temps à autres, tels les Américains disait-il pour s'excuser. Comme les images processionnaient, on appela le genre « bande dessinée », puis « BD », appellation aujourd’hui en cours d’oubli aussi. Leur effacement s’est produit quand le manga (à l’origine une esquisse isolée, voire une « merdouille » selon Hokusai), télescopage d’images chocs parlant d’elles-mêmes, autrement dit sans texte hormis quelques onomatopées, s’est offert à un public ouvertement analphabète qui n’en demandait pas tant. Le succès financier était donc inratable. Le chemin parcouru en moins de cent ans est clair : la littérature avait allaité l’illustré à ses débuts et jusqu’aux années Hergé-Forest-Giraud-Pratt chez nous, après quoi le nouveau genre venu d’ailleurs l’enterra, qui n’avait plus besoin de la pensée ni de l’histoire pour faire de l’argent. Alors est-ce un livre ? Disons que sa forme parallélépipédique avec une couverture portant le titre, ainsi que le circuit d’édition et de distribution commun à celui de la littérature, le rapprochent physiquement de ce qu’il étranglera, grâce à la raréfaction du papier.

 

10 juillet 2022 : La parité bien comprise consiste à mettre toutes les femmes en valeur aux avant-postes les plus casse-pipe, comme on le voit au ministère de la Culture ces jours-ci, ainsi que dans tout le monde du livre depuis quelques lustres.

 

30 juin 2022 : Le libéralisme, si je comprends bien, c’est de plus en plus de lois et de moins en moins de règles.

 

20 juin 2022 : seukeulonsé est la nouvelle antienne des journaux en ligne. Le mot se place en début de titre et signale que, sur le sujet dont il va être question, on ne sait strictement rien. La tournure a un petit air précieux et savant qui vise à masquer la conscience de l'ignorance honteuse, l'essentiel étant d'être présent sur le scoop.

 

18 juin 2022 : épinglé dans le Monde des livres ce fragment concernant une nouvelle édition de Gaston Bachelard : "alors qu'on célèbre les soixante ans du décès de l’auteur", une phrase qui a un petit côté "bon débarras !" Non ?

 

17 juin 2022 : La BNF de Tolbiac est détrônée de son titre de bibliothèque la plus ratée du monde par celle qui ouvre à Dubaï. Bravo Dubaï !

 

21 mars 2022 : « Partout où les arbres ont disparu, l’homme a été puni de son imprévoyance. »

Chateaubriand, Opinion sur le projet de loi relatif aux finances prononcée à la chambre des Pairs le 21 mars 1817.

 

10 février 2022 : Toute ma famille – ou ce qu'il en reste – est rassemblée dans le cimetière d’un village perdu. J’y vais peu, mais suffisamment pour déplorer le sort des morts : au lieu de les réintégrer à la planète en les ensevelissant, on les fourre maintenant dans un bunker hors sol à quatre places normalisé.

Fini l’enterrement, voici l’embétonnement.

 

3 février 2022 : "La littérature française, c'est eux !" proclame un magazine littéraire en ligne, à propos de deux auteurs goncourés, en insistant lourdement sur leurs origines africaines. C'est la meilleure façon de rebuter les lecteurs qui ont une haute idée de la littérature en tant qu'objet universel. Comme si on lisait Perutz, Bernhard ou Gombrowicz parce qu'ils sont autrichiens ou polonais, quoique bons en français ! Veuillez m'excuser, mais il y a de la veulerie dans l'article en question.

 

29 janvier 2022 : faire une note de bas de page, pour un écrivain, c'est comme décider de se couper un doigt.

 

9 janvier 2022 : savez-vous pourquoi aussi on brûle des livres ? "Jusqu'à vingt-sept ou vingt-huit ans, je ne pouvais pas dormir dans une pièce où se trouvait un livre contenant une histoire de fantôme ; de même, il me fallut fréquemment brûler des livres de ce genre, car j'étais effrayée à l'idée qu'ils se trouvaient dans la bibliothèque, à l'étage inférieur !" Edith Wharton, A Backward Glance, autobiographie, 1934.

 

27 novembre 2021 : nous sommes perdus ! "Le Monde" et "Le Canard enchaîné", jadis garants de la langue française, écrivent maintenant "emprunte carbone" pour "empreinte carbone", à croire que leurs rédacteurs-en-chef sont obnubilés par la question du marché carbone.

 

3 octobre 2021. Sainte parole d'Annie Le Brun : "Il n’est ni chef-d’œuvre, ni événement, ni mot qui n’en cache un autre" (à propos du peintre Antoni Taulé).

 

31 juillet 2021 : la plus mauvaise nouvelle de l'année, c'est la découverte de milliers de pages inédites de cet auteur dont l'antisémitisme et la propension à écrire comme un cochon des histoires pour les concierges font que l'on parle encore de lui.

 

13 juillet 2021 : Il paraît que j'aurai 77 ans dans 7 jours. Faut-il mettre à profit ce délai pour lire toutes les aventures de Tintin ? Ce ne poserait pas de problème : je les dévorais déjà tous les jeudis à 7 ans.

 

9 juillet 2021, Le Monde titre "Le manuscrit « Les Cent Vingt Journées de Sodome », du marquis de Sade, acquis par l’Etat."

De la Bastille à l’Arsenal il n’y avait donc qu’un pas. Ce pas me pose toutefois un petit problème : l’Etat vend le manuscrit des 120 Journées tout en l’achetant à lui-même puisqu’il l’a saisi et il déleste au passage 4.5 millions à un brave bourgeois, ravi de participer à cette partie de bonneteau national ? Sade aurait souri. Mais je n’ai peut-être rien compris à l’affaire et je me mets donc à relire Delon, « La 121e journée » (Albin Michel).

 

4 juin 2021 : Un branlotin porté au pouvoir par des banquiers d'affaires qui multiplie les réformes visant à mettre en coupe réglée son pays, comme le farcir de préfets pour enfermer l'opinion dans un carcan policier, entre autres "modernisations"... c'est Henri Guillemin qui raconte. Et c'est épatant !

 

30 mai 2021 : Raisonnable pour une fois, le gouvernement choisit de conserver toutes les routes secondaires afin de relier les autoroutes entre elles.

 

14 mai 2021 : Althea Warren, la nouvelle directrice de la bibliothèque de Los Angeles (de 1933 à 1947) harangue le personnel. Elle dit que bibliothécaires et documentalistes doivent « lire comme un ivrogne boit ». Susan Orlean, L.A. Bibliothèque, Éditions du Sous-sol, 2020. Aujourd'hui, nos bibliothécaires n'éclusent pas, ils débattent de la clusive...

 

20 février 2021 : Analecte. L’Histoire générale des sciences de 1964 est une intrigante lecture : on y découvre « la raie interdite » et ses rapports secrets avec l’électron.

 

15 février 2021 : Cunning linguists. Eric Chevillard et Jacques Drillon sont dans un bateau...

- Qu’ils y restent !

 

14 février 2021 : L’ex Nouvel Observateur a demandé à une vingtaine d'auteurs joignables un avis sur Faubert. Aucun n’a l’air de savoir que c'est ce qui « sert à essuyer le pont d’un navire ». D’ailleurs, ces vingt et quelques écrivains sont pour moi de parfaits inconnus. Me serais-je trompé d'époque ?

 

28 janvier 2021 : Géométrie variable. Quand on sait que « faire son pré carré » signifie arrondir son pécule, tous les moyens pour y parvenir semblent autorisés.

 

22 janvier 2021 : Ce projet de couverture pour Le Lotus bleu, je n’en aurais pas donné 32 € si je l’avais trouvé aux puces, à cause des caractères chinois déplorables (Hergé s’est un peu rattrapé par la suite). Le commissaire priseur a, en effet, oublié de mentionner qu’ils sont d’un branlotin et n’existent pas ; toutefois, en ajoutant charitablement un point ou deux, cela ressemblerait à 魚呆光, « Le poisson reste léger » (prononciation Yú dāi guāng). Et la couverture lourde.

 

19 janvier 2021 : Au détour d’un article d’Actualitté sur la vie des bibliothèques françaises pendant la pandémie de 2020, on apprend que certaines restaient ouvertes en supprimant les services suivants : « cafétérias, espaces ludothèques, espaces jeux vidéo, espaces petite enfance, salles de travail en groupe, espaces informatiques… ». C’est bien la preuve que tout cela n’est que dérive débilitante et n’a rien à faire dans une bibliothèque digne de ce nom.

 

17 janvier 2021 : Vive l'intelligence automatique !  « Le SGP (qu'est-ce ?) veut interdire une interdiction totale de la production, de la distribution et de la possession de pornographie sur la base de valeurs bibliques. La fête veut aussi captiver toutes les publicités pour les sites qui encouragent l'adultère. Les membres ont adapté le programme électoral à la conférence du parti numérique. » (Communiqué d'une agence de presse lu sur Facebook ce jour)

 

1er janvier 2021 : Ars bibliothecarum (1) Comme il portait un faux-col empesé qui allait des deltoïdes aux prémolaires, pencher la tête pour déchiffrer le titre des livres était exclu. Aussi les disposait-il à plat dans la bibliothèque. Mais à vrai dire il ne les ouvrait jamais : lire le titre suffisait à son édification.

 

28 décembre 2020 : Roulement de baguettes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.  Exemple choisi : si les Chinois décidaient aujourd’hui d’affronter en combat singulier l’ensemble des Américains, hommes, femmes, chiens et enfants, quelle que soit l’issue du combat la Chine alignerait plus d’un milliard de réservistes.

 

27 décembre 2020 : Villes vitalisantes. Perpignan (1944), Béziers (1954), Toulouse (1964) et Blajan punaisent les angles de mon quadrilatère intime. Cette carte ressemble à la Grande Ourse, dite aussi Grande Casserole, dont le manche (en fait des étoiles Alioth-Mizar-Alkaid) correspondrait à la route qui, de Toulouse, conduit à Penne d’Agenais, berceau de ma famille maternelle où j’ai vécu de nombreux étés. Blajan ? C’est là que résidaient mes grands-parents paternels : une paisible bourgade au pied des Pyrénées, que Gervais Polastron, le forestier, enrichit d’une paire de pépinières au début du XXe siècle. Tout cela fait terriblement « local » pourrait-on dire, mais je me sens d’autant plus enraciné dans ces terres que la chance m’a permis d'effectuer deux à trois cents séjours dans des lieux autrement démesurés : New York, Alger, Bangkok, Londres, Barcelone (seulement jusqu’à 1992, et ensuite remplacée par Madrid), au moins soixante fois la Chine et le Japon, Mahdia, capitale de l’Ifriqiya, Le Caire (ah, Le Caire !), Istanbul et j’en passe. Ces grands coins de paradis me subjuguent et j’y reviens toujours avec autant d'excitation. Ai-je détesté des villes ? Très peu : Paris, Marrakech et Bordeaux.

 

30 novembre 2020 : XYZ. Un écrivain choisit de publier sous pseudonyme soit parce qu’il craint ses parents ou son patron, soit parce qu’il use d’une fine stratégie : le secret de son identité ne sera confié qu’à un journaliste à la fois, de façon à se l’attacher indéfectiblement. Vouloir ne pas être reconnu tout en étant reconnu est le propre de l’homme. Au lycée, je recherchais l’admiration de mes condisciples en projetant d’écrire un livre osé sous le nom de Nortsalop Neicul.

(Et afin de griller une surenchère que l’on pouvait prévoir incoercible, le titre en aurait été Mon père me sodomisait sans cesse quand j’étais dans le ventre de ma mère.)

 

25 novembre 2020 :  Un best-seller est généralement fait de bribes et de brobes. Les bribes, on sait ce que c’est : les dessous de table, chez les éditeurs anglophones. Et les brobes, des sortes de décisions honteuses, si l’on se souvient bien du latin

 

20 novembre 2020 : "Puisque le troupeau de moutons que sont les Allemands a élu un tel Führer, qu'ils le paient jusqu'au bout " dit Hammerstein, cité par Enzensberger, lequel ajoute : "Il ne fallait pas épargner cette expérience amère aux Allemands, sinon jamais ils ne deviendraient moins bêtes." Hans Magnus Enzensberger, Hammerstein ou l'intransigeance, Folio, p. 214. Tout rapprochement avec un autre pays à une autre époque serait-il de mauvais goût ?

 

15 novembre 2020 : Pacte avec le diable. Le temps panse toutes les blessures, excepté celles du temps qui passe. C’est sa petite redevance, que voulez-vous. 
 

25 octobre 2020 : Dimanches. Bobos barbus brunchant avec Barbie et bébé, savez-vous que Raymond Roussel nouait sa cravate sur son col dur pour attaquer, tous les jours à midi, seul, un breakfast-lunch-dinner-supper ? Vous avez du chemin à parcourir... Commencez par vous raser !

 

20 octobre 2020 : la laideur n'attend pas le nombre des années. 14 et 15 ans, c’est pourtant bien jeune pour jouer à Judas. Ces garçons qui ont vendu leur professeur pour 300 € (l’équivalent de 30 deniers ?) à celui qui allait l’exécuter, vont-ils penser à leur acte tous les matins de toute leur vie ou bien aller se pendre comme l’Iscariote ? Ni l'un, ni l'autre, parce que la barbarie est devenue l'ordinaire.

 

16 octobre 2020 : Comptant Patrick Rambaud parmi quelques autres énergumènes passablement variés, il existe une aristocratie secrète et très fermée, dont j'ai l'honneur de faire partie depuis soixante-seize ans. Elle rassemble des gens qui savent se conduire et qui, partant de là, n’ont jamais conduit de leur vie.

 

15 octobre 2020 : Beaucoup moins rasoir que le fameux bronze de Giacometti, et très antérieur, le marcheur du whisky John Walker & Sons allait jadis de droite à gauche. Mais les temps politiques changent... Par ailleurs, son ambitieuse et subtile devise « Still going strong » (still signifie à la fois "encore" et "alambic") est remplacée par le slogan raplapla « Keep walking », avec lequel la marque entend nous faire marcher.

 

9 octobre 2020 : Fort d’avoir lu Philosophia naturalis, ou De l’intelligence du monde, un couple a jeté ses smartphones, sa télé et son SUV dans la piscine, qu’il a fait recouvrir de bonne terre, où poussent maintenant de délicieuses tomates et des haricots verts à foison. Il se sent plus riche et m’en remercie.

 

2 octobre 2020 : Quand je m’aventure sur FB – ce qui arrive d’autant moins souvent que le matraquage publicitaire y croît à vue d’œil – j’obtempère toujours à l’ordre « Masquer la publication » dès qu’apparaît une personne affublée d’un masque chirurgical. Voilà un geste citoyen !

 

1er octobre 2020 : Si les livres d’aujourd’hui présentent un intérêt, c'est bien le phénomène qui consiste à éditer et promouvoir les jolis minois plutôt que des vieilles gueules ; il mérite d’être observé et médité. Des gens appelés François Bégaudeau, Maria Pourchet, Blandine Rinkel, Aurélien Bellanger, Laurent Binet, Pierre Ducrozet, Camille Brunel, etc. ont leur image – donc leur publication – dans un magazine en ligne de ce jour. Donc, pour la "critique", le photogénisme remplace avantageusement le génie littéraire. Il est de fait, aussi, qu’un as de la photographe arrange bien les choses... Mais même avec un bon appareil, un Julien Gracq ne passerait pas la rampe de la une aujourd’hui (d’ailleurs il ne serait même pas édité, et encore moins chez Corti). Peut-être Camus aurait-il une chance... ou Chateaubriand ? Bref, éditeurs et medias ne se rendent pas compte à quel point cette mignonnerie forcenée est contre-productive : les gros et très gros acheteurs de livres, dont je suis, ne peuvent que fuir a priori - peut-être à tort - ces visages de premiers communiants qui signalent haut et fort qu'ils n'ont aucun bagage ni aucun vécu, sans doute pour vous assurer que vous pouvez passer à la caisse en confiance : leur livre ne contient rien de nouveau qui pourrait vous désarçonner.

 

30 septembre 2020 : Faut-il écrire (et dire, si l’on peut !) « médiateur.rice.s » ou, par politesse envers les dames « médiatrice-eur.s » ? Dans tous les cas, c’est ringard, ridicule et absurde. Aussi est-on estomaqué de voir que ce sont les bibliothécaires, fonctionnaires missionnés pour la sauvegarde et la diffusion de la langue française et du savoir en général, qui s’y vautrent. Le congrès de leur association, annoncé par l’affiche la plus vulgaire du monde, aura lieu le 29/10. La ministre de la Culture du moment est conviée à l’inauguration à son corps défendant. Par décence et en accord avec les dispositions académiques voire gouvernementales, va-t-elle envoyer « sa.son représentant.e » ?

 

23 septembre 2020 : Mon affinité avec la nature est née, comme je devrais peut-être le raconter un jour, au gré des chemins et ruisseaux pyrénéens en compagnie de mon grand-père Gervais, forestier, autour de 1950. La prise de conscience en est venue quelque dix ou douze ans plus tard, à la lecture de Sur les falaises de marbre. Ce qui se confirme ici : « L’incohérence naïve des écologistes politisés agacera toujours beaucoup Jünger, qui fut pris pour cible jusqu’à sa mort par les "Verts" allemands, alors qu’il était peut-être le plus réellement écologiste de tous les grands écrivains de sa génération. » (Julien Hervier, Ernst Jünger, Dans les tempêtes du siècle, Fayard, 2014, p. 444.) Quand on voit les décisions microscopiques et hors sujet qui s'improvisent dans les municipalités repeintes en vert cette année, on peut dire que lire Jünger est plus nécessaire que jamais. Dès le début du siècle (le XXe) il repère le poison que la "machine"et le "chiffre" vont inoculer aux ressources saines de l'esprit humain pour l'entraîner dans un gouffre inconnu ; jusqu'à sa mort, il confirmera à mots pas toujours couverts ce que nous voyons bien, non plus se profiler, mais se produire aujourd'hui. Bernard Charbonneau est un des rares Français a avoir stigmatisé la technique, que nos dirigeants rebaptisent de façon orwellienne "nouvelle technologie" pour nous la faire mieux avaler. Bref, où est notre Jünger aujourd'hui ?

 

20 septembre 2020 : Palinodie de l’abbé ci-dessous, on a mal compris ses propos, personne autant que lui n’aime les bibliothèques, d’ailleurs il en a une, immense, et il envisage de la léguer au village où il vient de s'installer.

 

18 septembre 2020 : Une sorte d'abbé de cour bien introduit auprès du couple régnant vient de hasarder que l'argent donné aux bibliothèques serait mieux utilisé pour la réfection des dix mille églises de nos campagnes, où pourtant aucun curé, aucun croyant ni le moindre fantôme n'a plus envie d'entrer depuis 1905. Malgré le tollé, il faut lui donner raison : ouvrons une bibliothèque dans chacune d'entre elles de façon à ranimer le vide. La culture à la place du culte.

 

10 septembre 2020 : une société québécoise, qui gère les bases de données industrielles, s'est aventurée à étudier comment les livres se vendraient mieux si on améliorait leurs "données d'enrichissement" ou "métadonnées". Peu importe de quoi il retourne - ce que nous appelions littérature il n'y a pas si longtemps -, l'important est maintenant leur "découvrabilité", appétence qui doit occuper la tête des auteurs avant même d'imaginer la première ligne de leur manuscrit. Le néologisme ne manque pas lui-même de nous métadonner un bon slogan pour le futur du livre : "La débilité couvra !"

 

23 août 2020 : Célébrités que je connais : Philippe Sollers, que j'ai longtemps confondu avec Daniel Humair ; Mathias Enard, que je confonds toujours avec François Bon ; Bernard-Henry Lévy, que je confonds toujours avec Tariq Ramadan ; Nick Cave, que je confonds toujours avec Nick Cave ; Bruno Latour, qui ne se confond avec personne...

 

13 août 2020 : Ernst Jünger rapporte dans son journal parisien l'histoire d'un avocat lyonnais appelé Dupont qui avait pu sauver de la guillotine un de ses clients. Celui-ci, relégué à perpétuité au bagne de Cayenne, voulait lui témoigner sa reconnaissance, mais comment faire ? il n'avait comme ressource que la nature et il lui était interdit d'envoyer des colis. Quelques temps plus tard, on vit débarquer à Marseille un chargement de perroquets, dont l'un (le plus beau ?) ne cessait de répéter : "Je vais chez maître Dupont, avocat à Lyon".

 

3 août 2020 : Mort d’un commis magasinier. Une fois par an, au moins, la BnF est le théâtre d’un suicide ou d’une tentative sérieuse de suicide, généralement par plongeon dans le vide architectural. À chaque fois que quelque chose tourne mal à Tolbiac (dépressions, fuites d’eau, fissures, fumée sans feu, etc.), la direction réunit ses sous-directions et suppute si elle osera demander à monsieur l’architecte d’admettre des mesures préventives, sans toutefois que cela porte atteinte « à son œuvre » (Livres Hebdo) ; l'avant-dernière fois, c’était après le suicide de septembre 2019. Une commission est toujours réunie, qui réfléchit à la manière de formuler ses soucis à la starchitecte, Dominique Perrault (Actualitté), propriétaire moral de ces locaux nationaux.
Comment ne pas être effondré devant l’impéritie répétitive des ministres, fonctionnaires et architectes, responsables de cette routine mortifère ? Dès la fin des années quatre-vingt - rappelez-vous - de nombreuses voix ont montré à quel point le projet Tolbiac empestait la méconnaissance des livres, des lecteurs et des bibliothécaires, voire leur mépris. Quousque tandem abutere... ?

 

16 juin 2020 : Arthur Machen, auteur de Le grand Dieu Pan, nous avertit dans sa préface : "Je suis bien certain de n'avoir rien compris de la vraie source et de la quintessence de l'histoire au moment où je l'écrivais. Tout est venu d'une maison solitaire, sur un flanc de colline, sous un grand-bois, au-dessus d'une rivière dans le pays où je suis né." Toute ressemblance de cette assertion avec les idées qui planent sur Maison House ne saurait, bien entendu, être le fruit du hasard. (Voir la recension du roman de Machen un peu plus loin).

Il ajoute " ...sans oublier, bien sûr, mon principe essentiel, qui a toujours été dans ma vie littéraire un confort et un choix : rien de ce que j'ai écrit, ou suis en train d'écrire, ou m'apprête à écrire ne peut être de la moindre utilité, du moindre profit, pour moi comme pour les autres." Seul ce point de départ est la garantie d'une œuvre vraiment forte. S'il y a des incrédules dans la salle, je peux aligner des centaines de titres qui le prouvent.

 

15 juin 2020 : Tableau noir. Se dévoile incidemment la triple noirceur du célèbre "Radeau de La Méduse". Géricault, déjà, avait choisi d'illustrer un des épisodes les plus sombres de notre histoire sur un châssis de 35 m², puis avait voluptueusement surajouté des Noirs à la scène (que vont trouver à dire ici les racialistes ?), et voilà que le tableau aujourd'hui noirçit. Certains détails ont déjà disparu, phénomène inéluctable dit-on, à cause d'un hydrocarbure fossile appelé bitume de Judée (mais que vont trouver à dire ici les écologistes ? Et les antisémites ?).

 

2 juin 2020 : Fermoirs en série. La taille du téléviseur croît sans cesse au mur de nos petits salons, tandis que la salle de cinéma rapetisse dans le noir. On parlera donc de « moyen écran » aussi bien pour l’un que pour l’autre. Belle économie lexicale !

Et en même temps que se dilatent télévision-et-phone, on constate qu’ils se livrent à un concours de minceur visant à la platitude absolue. Ceci tuera ces deux-là.

 

20 mai 2020 : Romantisme. Tant que littérature a existé, les auteurs ont forci le trait. Aujourd’hui, « Forcer le tri » est le leitmotiv des fabricants de poubelles en plastique multicolores.

 

14 mai 2020 : Le pire désastre menace les bibliothèques, à côté de quoi le bouclage des bars, cinémas et restaurants semble véniel. Lisez cet article de "Livres Hebdo" : on y voit que le bibliothécaire est un garde-chiourme, tout lecteur un assassin potentiel masqué, et le livre - le vrai, en papier - une bombe à retardement qu'il faudra désamorcer pendant les dix jours qui suivent son feuilletage. On ne communiquera d'ouvrage que réservé longtemps à l'avance. A mes yeux : la fin du monde. Et je ne dois pas être le seul.

 

7 mai 2020 : "Lavez régulièrement vos idées" éditorialise Emmanuet Lemieux dans sa revue Idées, dont le dernier numéro, le n° 7, paraît aujourd'hui en ligne et en papier le 15 juin chez les libraires déconfinés.

 

14 avril 2020 : Le titre Maison House descend directement de la Hauteville House, cette habitation complexe de Guernesey que Victor Hugo, confiné pour quatorze ans, a d’emblée modulée et modelée selon ses divagations les plus débridées (« si je n’avais pas été écrivain, j’aurais fait un bon décorateur », dit-il dans une lettre) jusqu’au jour où c’est la maison outrageusement chargée de sens qui se met à vivre et devient à son tour la puissante inspiratrice de son génie. Ainsi Maison House est-il le récit d’un choc, une synergie, voire une copulation entre deux imaginaires : celui de la maison et celui de qui l’habite.

 

12 avril 2020 : Mon dernier gros ouvrage sur la calligraphie chinoise est admirable, mais – hormis l'équipe de l’Imprimerie nationale qui l’a façonné, ce dont je la remercie vivement – je suis le seul à le savoir : il a été livré à l’ensemble des librairies la veille de leur fermeture. De sorte que toutes mes publications se trouvent séquestrées et que me voilà totalement robinsoncrusoé. Furieux de cette injustice, j’ai résolu de lancer une sorte de bouteille à la mer, de vendre mon âme au diable et de me livrer à une expérience éditoriale imprévue, tout à la fois. Donc mon premier et peut-être dernier roman, que je gardais en réserve pour mes vieux jours depuis 1964, vient de paraître en silence avec l'aide irréfléchie d'une Gafette (membre de GAFA). L’idéal serait qu’il trouble assez de jeunes âmes pour qu’un petit éditeur sortant d’hibernation décide d’en faire un de ces beaux objets en papier comme je les aime et que l’avenir du monde menace tant et tant. Il s’intitule "Maison House". C'est l'histoire d'une habitation qui s'agrandit au fur et à mesure qu'on la visite. On y franchit des portes, on y suit des couloirs la nuit, on n'y est ennuyé par aucun personnage de roman.

 

10 avril 2020 : Tout va mal, en effet, pour le monde du livre, dont le confinement imprévu exhibe au public la monstrueuse, l’aberrante organisation. L’éditeur-en-chef français perdant 90 % de son CA mensuel dit qu'il s'inquiète surtout pour le sort des 50 000 salariés de « la filière » qui vivent – il faudrait l’avouer – en suçant la nuque d'écrivains indigents. Ce faisant, l'éditeur-en-chef proclame sans le savoir que tout l'édifice devrait être mis à bas et reconstruit en l'élaguant des intermédiaires, structures et habitudes pourries, par exemple le système dit de "l’office", qui le sclérosent à jamais et forcent l’édition à inonder les revendeurs de milliers de « nouveautés » inutiles dont le contenu existe déjà depuis longtemps et en mieux écrit. L’économie du livre ? La littérature peut en faire l'économie !

 

10 janvier 2020 : Un saint homme a dit : "La voiture, laide à tous égards : l’objet lui-même, celui qui en vend, celui qui l’entretient, qui la loue ; les magasins où on la montre ; ce qui la concerne : panneaux, feux, signaux, autoroutes, stations à essence, courses, usines. Les métaphores automobiles : plus vulgaires encore que les comparaisons culinaires. La terminologie, la publicité, les journaux et sites spécialisés : horribles. Et plus hideux que tout cela : l’esprit de l'être humain devenu automobiliste." Jacques Drillon, « Les Papiers découpés » N° 24, Bibliobs, 21/09/2018.

 

16 novembre 2019 : Je sors la tête au grand air et que lis-je ? Quelque chose qui me donne envie de refluer dans ma caverne de papier : « Véritable fléau, l’illettrisme numérique touche… 17 % de la population française ! » titre Le Figaro (mais toute la presse reprend les mêmes termes, ce qui donne à penser qu'ils constituent un sorte de mot d'ordre venu de haut). Cette dénonciation se harnache même d'un hideux mot nouveau : "l’illectronisme".
La guerre est donc déclarée contre les 17 % de gens normaux de ce pays, les a-numériques, désignés comme "fléau", et même "véritable", qu'il faut montrer du doigt dans les réseaux, pourchasser avec des fourches, sinon des Tasers.

Alors deux décisions stratégiques s'imposent. D'une part, il nous faut travailler à ce que ce pourcentage augmente afin que la lutte soit moins inégale, et, pour cela, rassurer et convaincre : vivre déconnecté peut constituer un choix de vie, c'est même la vraie vie. D'autre part, il faut stigmatiser l'inversion orwellienne du langage ennemi : l'illettrisme, c'est ce qui justement règne en maître sur les réseaux, la presse en ligne, le langage administratif, le "texto", l'écriture inclusive, etc. En un mot, les nouvelles techniques (et non "technologies", qui est forgé par des analphabètes) sont conçues pour rendre idiots ceux qui s'en servent et que l'on doit convaincre qu'ils en jouissent.

 

15 novembre 2019 : Sortie de ce tunnel qui consiste à écrire un nouveau livre, aujourd'hui en lecture chez l'éditeur. A suivre, donc...

 

15 novembre 2018 : Tout islamophile et surtout islamologue digne de ce nom doit se prononcer avec vigueur contre l'anti-islamophobie.

Alors, prendrez-vous conscience, maintenant, que les mots et les débats ne veulent plus rien dire et que seul le silence a raison ? Dont acte.


16 octobre 2018 : Merci Angelier (ange lié par « Le Monde » à la promotion des nouveautés) d’avoir éteint ma curiosité pour L’Ile au trésor retraduit en langage 9-3. Je garde le meilleur souvenir de cette lecture en 1956 ou 7, quand le français soutenu qui nous était alors naturel n’édulcorait en rien la bêtise, la crasse ni la vulgarité des effrayants pirates. Que les éditeurs actuels se sentent obligés d’adapter les classiques pour les analphabètes parce que c'est un marché de plus en plus porteur se conçoit, mais on n’est pas forcé de suivre : avec l’argent économisé, j’ai acheté le Stevenson en VO dans une plaisante édition ancienne, ainsi que je l’avais fait le mois dernier pour 1984.

 

24 septembre 2018 : Lire l'impeccable argumentation de l'historienne Jacqueline Chabbi dans Bibliobs de ce jour. C'est indiscutable : il faut que l'arabe littéral soit proposé à l'école, au même titre que le chinois, et par des professeurs patentés, connaisseurs de l'histoire, de la littérature et de la philosophie dans ces langues. L'arabe est une langue enthousiasmante dont la magie cousine avec l'algèbre, pour ne rien dire de son écriture fabuleuse. Le faire découvrir est la seule façon de contrer l'enseignement sommaire et biaisé que dispense en catimini l'analphabétisme islamique.

 

15 septembre 2018 : Touche pas à mon PC. Une pécore en marche essaie de nous étonner : la contribution à l’audiovisuel public, appelée « redevance » chez les asservis, devrait se « déconnecter de la détention » d’un téléviseur. C’est maintenant une vieille antienne. Sans doute faut-il voir dans ce nouveau ballon d’essai la voix de son maître. Or ce serait oser une déclaration de guerre contre tous les mauvais Français qui ne regardent jamais la télévision, même sur Internet. Va-t-on les condamner à la solidarité financière avec ceux qui croient devoir le faire ? À ce compte-là, on pourrait aussi imposer l’achat d’une carte grise à ceux qui n’ont jamais touché un volant de leur vie (ce sont souvent les mêmes que les anti-télé). Et on finira par faire payer le denier du culte aux athées.

 

20 août 2018 : Citation authentique tirée d'un livre lu en rêve : "La lune plonge ses racines dans la mer". C'est plaisamment le genre de phrase que l'on n'oserait jamais écrire.

 

20 juillet 2018 : Depuis Vincent Auriol, je vois les présidents de la République défiler sur la scène française afin d'y être jugés. On a vu des arrogants, des potiches, des malfrats... Aucun n'aura été aussi ridicule que les Macron. Je leur souhaite pourtant de ne pas finir comme les Ceausescu.

 

21 février 2018 : La clusive, comme nous la nommerons désormais, me fait plutôt penser à ces fauteuils et tables de jardin rouillés qui encombrent un parc à l'abandon. Ferraille surnuméraire, vestiges d'une occupation futile, que dans dix ans le lierre aura sans doute absorbés.

 

20 février 2018 : La descente aux enfermements s'accélère, et ses opérateurs trouvent chaque jour un nouveau boulon à serrer. Ainsi apparaît ex nihilo l'orthographe dite "inclusive", cette autopunition du verbiage : ceux (neutre) qui y recourent ont déjà tendance à parler pour ne rien dire, alors pourquoi ne pas surenchérir avec ce désir d'obscur ? "L'orthographe inclusive", niqab de l'écriture ?.

 

20 janvier 2018 : Que lisez-vous en ce moment ? demande le jeune magazine Idées (Lemieux éditeur, se trouve en librairie). Répondu ceci : "Totalement dépris du roman depuis des lustres - nous sommes assez nombreux dans ce cas - voilà qu'au détour d'un blog, je tombe sur Leo Perutz : coup de foudre pour cette littérature au galop pleine d'une logique sournoise et dont chaque détour vous prend en défaut. J'ai donc acheté (mais toujours d'occasion) et dévoré en quelques mois tous les romans de Leo Perutz ; il ne me reste aujourd'hui que deux recueils de nouvelles à lire. Mais comment cet écrivain, faisant "partie des plus grands" (Jean-Claude Bologne), a-t-il pu échapper aux bras ouverts des dix ou douze mille titres de ma bibliothèque, où Meyrink est bien installé depuis longtemps ? En cela aussi, Perutz m'étonnera toujours. Parallèlement, je déprime avec la correspondance Breton-Péret, pourtant deux de mes champions (Gallimard), lis avec intérêt le dernier Bruno Latour (La Découverte) ainsi que la vraie-fausse-vraie biographie d'Homère par Pierre Judet de La Combe (Folio) et je feuillette le pot-pourri gentillet des éditions Tristram, Association de malfaiteurs." Ces derniers titres sont tous de parution récente, me direz-vous. Oui, mais entre-temps, je relis aussi Léon Bloy, cet obsédé magistral. En édition d'époque, bien sûr.

 

1er janvier 2018 : Pas d'hiatus pour l'hyène ! Mais qui connaît et respecte cette règle pourtant facile à vérifier ? Par exemple, la longue et qui fut très utile chronique littéraire de Patrick Rambaud dans la première période d'Actuel avait pour titre un calembour impossible : "Hima la hyène". Mais, me direz-vous, cela ne faisait qu'ajouter à la fraîcheur qui imprégnait ce magazine enfantin.

 

29 décembre 2017 : Qu'ai-je fait d'intéressant ? L'heure du jugement dernier de l'année a sonné et à chacun son petit bilan. Pour ma part, j'ai acheté (le plus souvent d'occasion) et dévoré, tous les romans de Leo Perutz. Merci à Jean Claude Bologne, qui pointe cet écrivain comme faisant "partie des plus grands" et que les dix ou douze mille titres de ma bibliothèque ignoraient encore.

 

15 décembre 2017 : Sortie de tunnel. Le bon à tirer retourné, la couverture acceptée, libre maintenant à l'imprimeur de fabriquer Philosophia naturalis, ou de l'intellgence du monde, que tout bon libraire mettra en rayon dans un petit mois.

 

18 mai 2017 : La démocratie parfaite a existé. Chaque année, la Grèce antique tirait au sort ses cinq cents sénateurs parmi les citoyens, en utilisant un engin nommé klèrôtèrion ; une reproduction de ce dispositif vient d'en être exécutée, comme le montre le CNRS dans ce petit film De même, les Grecs confiaient de hautes fonctions aux esclaves pubics, achetés sur le marché à cet effet, un peu parce qu'ils n'avaient pas le désir de s'ennuyer à ces tâches, beaucoup parce qu'on évitait ainsi la corruption et la prévarication (*).

Ces méthodes ne devraient-elles pas être remises en vigueur chez nous ? Evidemment, il faudrait pour cela rétablir l'esclavage. Mais quand je vois mes frères humains penchés sur leur smartphone ou leur compte Facebook, je me dis que c'est déjà fait.

(*) On peut en apprendre davantage avec Paulin Ismard, La démocratie contre les experts. Les esclaves publics en Grèce antique, Paris, Editions du Seuil, 2015.

 

23 avril 2017 : Le mot du jour ? Sinistrovolubile (adj.), qui s'enroule de la droite vers la gauche. Peu de politiciens mériteront cette étiquette par les temps qui courent. Le contraire, par contre...

 

18 mars 2017 : En écriture cursive peu soignée, on a tendance à confondre le tilde avec le macron, ce qui pourrait expliquer que ces deux diacritiques ne cohabitent pas dans une même langue. De toute façon, le français n'a besoin ni de l'un ni de l'autre.

 

18 février 2017 : Jean-François avait montré le chemin. Tous ses amis le suivent, Jean-Pierre, Michel-Antoine, Jacques, Léon, et même Claudine maintenant. Il ne va pas rester grand monde : un ou deux Patrick, un Patrice et ce sera tout pour le moment.

 

17 février 2017 : Maintenant que tout Landerneau (ancien nom de L’Internet) a donné son avis sur le lancement du film Marcel Superstar à la Madeleine, il reste deux questions : une curieuse, une autre effrayante. D’abord pourquoi le chercheur québécois évite-t-il de citer la biographie de la comtesse Greffulhe, parue chez Flammarion en 2014, qui divulgue et analyse en détails cette bobine (je parle de la pellicule) ? L’autre phénomène est que, d’un clic, son intervention a remué le monde littéraire (en trois jours, 253 publications sur FB en six langues au moins) alors que Laure Hillerin a mis peut-être des années à documenter et rédiger son ouvrage, lequel a été normalement diffusé : ainsi, imprimer des livres ne servirait plus à rien ?

 

20 août 2016 : Son coup d'Etat ayant réussi, Erdoğan met en prison tous ceux qui portent le même nom que lui, comme Aslı Erdoğan, qui n'est pas sa parente et a le tort de penser différemment (lire Le Bâtiment de pierre, Actes Sud, 2013).

 

20 juillet 2016 : C'est une amère victoire, le jour où on devient plus vieux que son père.

 

9 juillet 2016 : Macron, favori de Tibère, présida au supplice de Séjan, et obtint en récompense la dignité de préfet du prétoire. Dans cette charge, il se rendit odieux par sa cruauté et ses exactions. Au moment où Tibère allait expirer, Macron le fit étouffer dans la crainte qu'il n'en revint et pour complaire à Caligula. Il conserva quelque temps la faveur de ce dernier en lui prostituant sa propre femme. Mais peu après, Caligula les obligea tous deux à se donner la mort.

 

3 juillet 2016 : Bonnefoy, Rocard, Wiesel, Cimino : que ne ferait-on pour ne pas être oublié ?

 

1er juillet 2016 : Adieu Silver Shadow, TR4, E-Type et Deux Chevaux. Je ne pourrai donc plus descendre les Champs Elysées en automobile, comme j’avais l’intention à vingt ans de le faire un jour, lorsque j’aurais joué au loto et appris à conduire. Chaque jour, le monde qui vient s'arrache un morceau de peau.

 

29 janvier 2016 : Hitler ? "Il faut absolument que quelqu'un le fasse rire, ou nous sommes tous perdus." (Henry Miller, dans une lettre à Lawrence Durrell, 25 septembre 1938).

 

25 janvier 2016 : La couverture de livre la plus moche de la saison, c'est bien celle de Une certaine vision du monde chez Gallimard, un livre dans lequel le best-selliste Alessandro Baricco ressert cinquante de ses critiques littéraires déjà publiées par La Repubblica et, donc, qu'il se fait payer une seconde fois, comme il paraît que c'est l'usage : l'argent aimante l'argent. "Cinquante livres que j'ai lus et aimés", circonscrit l'écrivain, qui joue à roule-barricot dans les parutions et rééditions récentes, en mélangeant savamment le tennis, le football et la littérature (rester un auteur à succès est à ce prix). Malgré cette légère tendance à la facilité ("regardez comme suis bête"), le lecteur fera quelques découvertes de titres qu'il n'aurait peut-être pas trouvés autrement. C'est à 19,50 euros. Aimer les livres que l'on ne lira jamais coûte évidemment moins cher.

 

21 janvier 2016 : Un journal en ligne qui ne se respecte pas évolue dans le sens de la marche. C'est le cas de Bibliobs, par exemple. Au lieu de titrer "Nous avons lu pour vous", ce qui est déjà assez démagogique, car nous savons nous débrouiller tout seuls, n'est-ce pas, voici les salves de "On a lu, on a fait ceci, on a vu cela...". On appellera cette dérive un nouvel onanisme.

 

20 janvier 2016 : Par une longue gestation, "Et bien" était devenu "é bé" dans le Midi, tandis que le reste du pays optait pour "ében". Mais il a suffi d'un coup de baguette magique pour que  la weblangue transforme "ében" en "Eh bah", puis "bah" tout court.

 

15 janvier 2016 : Ce jour-là, une ordonnance royale décidait la création d'une chambre d'officiers des cours souveraines, chargée de rechercher et punir les " fautes et malversations commises au fait des finances ". Mais c'était en 1629.

 

3 janvier 2016 : Aucune fille n’a jamais été détruite par un livre. Détruite ou gâchée, je ne sais, mais cette phrase a été prononcée par le sénateur Jimmy Walker, qui deviendrait maire de New York (1925-1932) : « No girl was ever ruined by a book. » En fait, il a dit : « I have never yet heard of a girl being ruined by a book. » Argument contre le Clean Books Bill, projet de loi censurant les livres, dont ceux de D.H. Lawrence, fomenté par les Républicains, de crainte que certaines lectures entraînent les femmes sur des voies pouvant mettre en péril la stabilité de la famille et du mariage.
 

31 octobre 2015 : Rentrée littéraire. « J’ajouterai que le public français demandait toujours du nouveau, et que ce nouveau ne paraissait que pour mourir aussitôt sous le poids d’un blâme perpétuel. ». Mémoires de Goethe : Poésie et réalité, volume 1, Paris, Charpentier, 1855, p. 264.

 

30 octobre 2015 : Ma citerne est taciturne, j'appelle le remplisseur. "Fuel max" lui dis-je.

 

25 octobre 2015 : Mieux vaut s’adresser à Dieu qu’à ses assassins.

 

24 octobre 2015 : Peut-être faut-il que je lise, ou plutôt que je regarde Ursus Wehrli, The Art of Clean Up: Life Made Neat and Tidy, Chronicle Books, 2013.

 

14 octobre 2015 : Crépuscule, c'est un crêpe de petit format. Plutôt indiqué pour le deuil d’un parent éloigné.

 

11 octobre 2015 : Paradis imaginaire, en chinois, se dit : 梦幻天堂 mènghuàn tiāntáng. Vous avez bien lu, le paradis est un palais :

 

5 octobre 2015 : Constat

La nuit nuit au jour

Le matin m’atteint

Seul le soir sied.

 

2 octobre 2015 : Archéologie du dictionnaire (1). Un éphialte est un démon qui se jette sur le dormeur. C’est déjà terrifiant. Mais, d’après Dom Calmet, « on doit tenir pour des effets d’une imagination blessée et déréglée tout ce qu’on raconte des démons incubes et succubes et des éphialtes », ce qui est encore plus inquiétant.

 

30 septembre 2015 : Je n'ai vu qu'un film avec Sophia Loren mais il m'a marqué. Il s'intitulait quelque chose comme Ironie amère. A moins que ce ne soit Short cut. (PS : un an plus tard, un lecteur me signale gentiment que c'était Riz amer, avec Silvana Mangano !)

 

21 septembre 2015 : Parité bien ordonnée commence par moi-même. Le Monde des Livres virerait-il à l'ouvrage de dames ? On trouve bien trois garçons relégués à l'avant-dernière page, où ils commentent brièvement des livres parfois intéressants, mais pour le reste... ce ne sont que Julie, Macha, Florence, Raphaëlle, Rosita, Violaine, Gladys, Ariane... une guirlande composée peut-être des pseudonymes choisis par des messieurs, ravis de pouvoir promouvoir sans se mouiller les romances de faible portée qui forment le sel de l'édition, qui sait ? Oui, bien sûr, il y a aussi un éditorial signé Jean Birnbaum. Mais ce prénom demeure ambigu : rappelez-vous Jean Voilier, la trouble maîtresse de Robert Denoël, l'éditeur assassiné.

 

20 septembre 2015 : Réchauffement. Ce qui empêche toute décision conséquente au vu des alarmes de la science, c’est « le temps court des politiques ». Seule solution : mettre à la tête de chaque Etat des sanhédrins d’hommes et de femmes nommés à vie, de façon que leur action ait une chance d’aboutir un peu. Bien évidemment, tous leurs biens et ceux de leur famille seraient confisqués à la fin de leur mandat pour être mêlés à ceux de la collectivité. Mieux encore, les Grecs plaçaient des esclaves aux postes de haute responsabilité : archives, police, vérification de la monnaie, etc. Pour en avoir le coeur net, j'achèterai aujourd'hui La démocratie contre les experts. Les esclaves publics en Grèce ancienne, de Paulin Ismard, Editions du Seuil.

 

5 septembre 2015 : au XVIe siècle, la rumeur dit que le duc de Florence construit une ville appelée Paradisus, où on ne parlera que latin. Giordano Bruno l'ignorait, raconte son interviewer Cotin, mais il a entendu dire que le duc projetait l'érection d'une Civitas solis, où le soleil brillerait tous les jours de l'année " comme à Rome ou à Rhodes ".

 

31 août 2015 : Woody Allen n'a jamais fait un bon film. Cependant, depuis 1935 environ, il essaie régulièrement. C'est pourquoi la presse l'encense et que le public le suit. On ne sait jamais.

29 août 2015 : le prix du pétrole baissant de 50 %, les consommateurs peuvent espérer une réduction de 25 % sur leurs dépenses.
J'ai toujours été fâché avec les chiffres. On comprend pourquoi.

 

28 août 2015 : comme prévu et annoncé il y a une dizaine d'années*, voici les médiathèques rattrapées par la conscience de leur absurdité. A l'heure du streaming, en effet, à quoi servent ces accumulations de CD et de DVD, à quoi bon ces immeubles bourrés d'objets en plastique non recyclable et ces employés pleins de bonne volonté, naguère formés pour conserver et prêter des livres ? A prêter tout autre chose, répondent déjà leurs confrères américains : de l'outillage, des smokings, sinon des préservatifs et des cafetières ; voir ici le détail de cette information fort peu inattendue, qui évitera de grossir les rangs du chômage. Quant aux livres, peut-être pourrait-on les restituer aux bibliothèques municipales d'où ils n'auraient jamais dû sortir. Si un parking ne les a pas remplacées.

* Lire, à ce sujet, Livres en feu et La Grande Numérisation, Denoël, 2004 et 2006.

 

21 août 2015 : Le fascisme est dans le pré. "La Cour de Justice de l’Union Européenne a confirmé le 12 juillet dernier l'interdiction de commercialiser les semences de variétés traditionnelles et diversifiées qui ne sont pas inscrites au catalogue officiel européen" annonce cette parution. Cultiver son jardin, ce sera donc entrer en résistance ?

 

7 août 2015 : L'électro-encéphalogramme plat des statistiques de ce site atteste de son état de cadavre depuis le 29 mai, quand une tribu de hackers russes s'est avisée d'en truffer les pages de mitrailleuses à spams, ce que voyant, l'hébergeur effarouché a tout débranché. Une expérience enrichissante, comme elles le sont toutes quand elles sont désagréables. Changement d'hébergeur pour cause de non-assistance à website en danger.

 

29 mai 2015 : Mort d'un de mes maîtres. Tsien Tsuen-Hsuin a attendu 105 ans pour découvrir la saveur du néant. C'est de se pencher sur l'histoire du papier qui lui enseigna la patience. De son vrai nom Qian Cunxun, il a écrit un livre fondamental en 1962 : Written on bamboo and silk.

 

20 mai 2015 : L'Arabie saoudite, hôte d'honneur au prochain salon du livre de Turin ? Les "scaffali" de son stand risquent d'être bien vides, avertit Paola Caridi dans cet article : "Gli scaffali (vuoti) di Ryadinvisiblearabs.com/?p=6248h ospiti a Torino".
Nota bene : "scaffali" ne veut pas dire "échafauds" mais "étagères".

 

11 mai 2015 : ¡Oh Luisa! Comme je ne sais pas si nos deux ministres concernées lisent l'espagnol, je me permets de traduire, à leur intention, une phrase essentielle de cette interview : "Ce n'est pas la même chose de disposer de 1 000 mots et d'en connaître 40 000, quel que soit votre genre de vie. Je pense donc qu'il y a des démocraties à 1 000 mots et d'autres à 40 000 mots." Luisa Etxenike invente soudain le concept d'écologie linguistique : notre vocabulaire et la forêt amazonienne foncent vers le néant.

 

08 mai 2015 : Je pense, donc je suis cette campagne. Même si elle est inspirée par un magazine peu plaisant et au risque de me faire caser dans l'enclos de gens que j'ai toujours détestés, le latin, on n'y touche pas ! Noli me tangere, c'est lui qui le dit.

 

20 avril - 5 mai 2015 : En Chine toujours encore. Jusqu'au jour où, peut-être, j'en reviendrai en disant : "J'en suis revenu".

 

6 avril 2015 : De qui se moque-t-on ? Un exemple entre douze autres qui permet de préciser que l'EI (ex-Daesh) entretient notre paranoïa médiatique à très bon compte : ces images montrent bien que ce sont seulement des reproductions en béton qui sont mises à bas, comme au musée de Mosul.

 

2 avril 2015 : pour ceux qui lisent le turc, voici un article dans Al Jazeera Istanbul qui salue la sortie de "Livres en feu" dans cette langue : 'Kitap Yakmanın Tarihi'. Pour les autres, les noms d'Orwell, Huxley et Bradbury sauteront aux yeux tels quels ; mais Polastron y devient Palastron. L'illustration montre de l'article montre les suites de l'incendie du Caire, dont nous avons parlé.

 

1er avril 2015 : Hé ? Le mot "Internet" est en général prononcé à la toulousaine ou à l'anglaise ; il rime donc avec "clopinette". Si on le prononçait à la parisienne, ce serait "interné" ?

 

29 mars 2015 : Hier, "les monuments du monde entier sont plongés dans le noir", sans doute par solidarité avec Radio France, le dernier monument français encore utile.

 

20 mars 2015 : Éloge du sombre. Entre la pollution, les nuages et l'éclipse, cette matinée s'annonce terne et propre à la réflexion. Profitera-t-on du phénomène pour signaler aux enfants des écoles qu'il y a une vie ailleurs que là où ils le croient ?

 

13 février 2015 : Autodafaux ? Des douzaines de journaux dans le monde se sont rués sur ce soudain brûlement de deux mille livres à Mosul par Daesh : "le plus grand autodafé de l'histoire", titrèrent même certains. Or, dès le premier jour, il était facile de constater que, à part une seule dépêche d'Associated Press basée sur un témoignage anonyme, aucun détail ni confirmation n'émanait des diverses sources fiables des observateurs de l’Irak. A Mosul même, pas un bibliothécaire ne corroborait. Ce qui n'empêchait pas la rumeur d'enfler, s'engrossant d'elle-même, reprise même par des médias comme ElArab-TV. Pourtant, il semblait bizarre que des barbus ivres de sang et de publicité se contentent de chaparder nuitamment des volumes de la bibliothèque centrale et ne les brûlent pas en plein jour : leur unique ambition n'est-elle pas de régner par la terreur ? Ayant exprimé ces réserves sur divers journaux en lignes ou sur des blogs de mes confrères, notamment américains, j'eus la surprise de les voir effacées au fur et à mesure, à croire que l'indignation est un fonds de commerce intouchable et que se poser des questions quand les affaires marchent devient un vice qui dérange.

Deux semaines ont passé, on commence à recevoir quelques bribes de Mosul : presque rien apparemment, hormis des ouvrages expurgés mais en petit nombre, pas de livre brûlé, aucune bibliothèque publique endommagée, des librairies fonctionnant à peu près normalement. Ce serait là une preuve, si nécessaire, que les soudards islamiques n'ont cure de la lecture : savent-ils même ce que c'est ?

 

12 février 2015 : Poor Mancunians. En 2012, la bibliothèque centrale de Manchester a profité des travaux de rénovation pour se débarrasser de 240 000 livres de référence, « obsolètes » dit la direction. Un tollé quand cela s’est su et, grâce à une pétition d’écrivains célèbres, arrêté. Les ouvrages, apprends-je, furent vendus à Revival Books, dans le Lancashire, qui se targue – son nom le dit – de faire renaître les livres, à raison de sept tonnes par jour. Malencontreusement, on découvre que ces belles tonnes sont rétrocédées à Smurfit Kappa, la multinationale qui produit le plus de d’emballages en carton. Habitants de Manchester, ne lisez plus de livres, lisez des pots de yaourt !

 

3 février 2015 : Nouvelles de Mosul. Là où on brûle les hommes, on finit par brûler les livres.

 

23 janvier 2015 : Renaud Camus, auvergnat de Clermont-Ferrand, est un immigré chez nous, en Gascogne. En toute logique avec soi-même, ne devrait-il pas remigrer vers son Nord natal ?

 

15 janvier 2015 : N'étant ni islamophobe, ni antisémite, je ne sais plus où me mettre.

 

10 janvier 2015 : Pour attirer l'attention encore un peu, un vieux politicien a déclaré : « Je ne suis pas Charlie. Je suis Charles Martel. » Celui-ci, en réalité, s’appelait Karl et venait d’Austrasie. S’il a effectivement écrasé (d’où son surnom, « Le Marteau ») des troupes arabo-berbères qui faisaient tranquillement leurs razzias dans les grandes villes vers Poitiers sans songer à s’installer dans des endroits aussi nordiques, c’était au cours de la plus complète invasion germanique de notre histoire. Elle fut suivie de l’occupation de l’Aquitaine, de la Bourgogne et de la Provence. Autrement dit, être fan de Charles Martel, c’est un peu s'afficher collabo.

 

7 janvier 2015 : Trou noir. J'écoute Fratres de Arvo Pärt. Et après ? Je l'écoute à nouveau.

 

31 décembre 2014 : C’est « accidentellement » et « par accident » – tous les journaux insistent bien là-dessus –, que ce garçon a tué sa mère d’une balle en plein front hier au supermarché. La presse veut surtout nous faire entendre que l’enfant n’avait pas ruminé et préparé ce matricide pendant des lustres, d’autant qu’il est âgé de deux ans seulement. Mais d’accident, ici, il n’y a pas : dans un pays où circulent plus d’armes à feu que d’habitants et où les séries montrent à chaque minute un bonhomme tirant sur quelqu’un d’autre, le geste tueur du bébé devient la routine. Son papa, qui se prénomme Colt, venait d'offrir à sa femme un sac à main spécial avec un logement de sécurité pour le pistolet ; le petit garçon, assis dans le caddy, n'a eu aucune peine à se saisir de l'arme et faire comme à la télé. C'est le sixième accident du même genre en 2014 aux États-Unis. En général, ce qui se passe le dernier jour de l’année annonce la tonalité de l’année qui va commencer. A quoi bon s’émouvoir ?

 

31 novembre 2014 : Choses qui vivent. Arrivé à la page 796 du Musée de l’Innocence, l’avant-dernier livre de Orhan Pamuk publié en France, on découvre non seulement que le texte invite le lecteur à visiter le musée dont il décrit l’élaboration, mais qu’il s'y trouve imprimé un « Bon pour une entrée » entre deux paragraphes. A ces mots surprenants, mon cœur de reporter au grand air ne fait qu’un tour : je file à Istanbul vérifier. Quelques heures plus tard, le guichetier saisit sans sourciller mon Folio et, à la page dite, applique un tampon rouge en forme de papillon, image de la boucle d’oreille perdue au début du roman. La porte s’ouvre alors sur une caverne de l’imaginaire.

Indigestion pour indigestion, j’avais refusé le plateau-soi-disant-repas afin d’achever pendant le vol AF1890 le copieux ouvrage. Il s’agit d’une bluette assez bébête, dont le seul ressort est, justement, d’essayer de nous faire croire que le narrateur accumule au fil des pages toutes sortes de bricoles évoquant sa maîtresse morte afin d’en faire un musée, puis qu’il demande à Pamuk de rédiger son histoire tandis qu’il finit ses jours dans le grenier de cette vieille maison restaurée pour accueillir les curieux, et que Pamuk prend le relais du récit comme si son héros avait vraiment existé et que les milliers d’objets, extraits de films et coupures de presse, regroupés dans des vitrines censées illustrer chacune un chapitre, ont un vrai rapport avec l’histoire de ces amants malheureux. Expérience littéraire sans doute unique au monde : l’ambiguïté ronronne en permanence dans la tête du promeneur, où est le vrai, qu’est-ce qui est inventé, qui témoigne ici, où est la jeune fille à qui appartenait ce mouchoir brodé ? Les objets de brocante patinés sont si subtilement rapprochés dans cette mise en scène qu’ils acquièrent une nouvelle virginité et distillent une autre histoire : en fait, c’est la vie de la remuante Istanbul des années 50 à 70 qui nous est racontée, aussi parlante que des phrases imprimées, avec ses amours, sa corruption, ses putsch, ses faits-divers et ses litres de rakı avalés plus nombreux qu’il n’y a d’eau dans le Bosphore. Rien n'a changé, que la façon de s'habiller.

La troublante visite se complète par la lecture de l’album-catalogue Orhan Pamuk, le musée de l’Innocence (Gallimard, 2012), qui dévoile un peu les secrets de cette entreprise assez folle. Dernière remarque : l’ouvrage était rédhibitoirement proposé à 91 € par les libraires français avant mon départ, il est épuisé à mon retour ; entre temps, je l’ai payé 45 € à la boutique du musée, ce qui, avec l’entrée gratuite, fait de mon week-end stambouliote une bonne affaire, non ?

 

28 novembre 2014 : à l'heure due quoique un peu indue, me suis présenté à Radio France dans le cubicule animé par Marc Voinchet (un Toulousain qui travaille à France Culture ne peut pas être un homme complètement mauvais), où l'avocat du diable commis d'office Brice Couturier s'efforçait de démontrer que les trente volumes des œuvres complètes de Victor Hugo entraient enfin dans sa poche de poitrine, éloge définitif qu'en bon français classique on appelle un tombeau. Il aurait dû clamer : " Entre ici, Victor Hugo, et n'en sort plus jamais !" Ensuite deux employés (ou fournisseurs ?) de la BnF tentèrent de nous expliquer que numériser les livres permet de les "restituer au peuple" voire à "la nation", avec l'aide, s'entend, mais ils ne le dirent pas, d'un gros partenaire financier qui s'arroge le droit de les revendre au peuple et à la nation. Carambouille et prévarication. J'aurais dû rester couché.

 

5 novembre 2014 : Je décerne le Goncourt. C’est à l’unanimité que le prix est allé à l’ouvrage le plus fascinant de l’année, récit d’errance et de fureur guerrière où se déploie une vision du monde d’une subtilité sans pareille, étayée par une science du langage qui dépasse la perfection et se traduit en surprises permanentes, sans doute (et tant pis pour eux) incompréhensibles aux paresseux speedés d’aujourd’hui. L’auteur nous avait habitués à décrire l’infinitésimale trame de l’attente d’un pire à chaque fois repoussé au-delà de la dernière page de ses romans ; or voici qu’il accepte exceptionnellement de nous faire cheminer jusqu’au plus cru, jusqu'au front du front, cette ligne extrême où la civilisation hébétée ne sait que contempler du haut de ses remparts douillets l’exercice in vivo de la barbarie, laquelle a pour seul moteur la décapitation joyeuse et en série de tout ce qui n’est pas elle. Couper une tête, c’est vivre. Étonnante prémonition pour un texte vieux de soixante ans ! L’écrivain a-t-il pris peur de s’être avancé aussi près du bord du vide ? Il n’a pas voulu que soit publié Les Terres du couchant, son éditeur est passé outre ; fond de tiroir n’a point d’oreille. Aussi l'académie en profite-t-elle pour prendre sa revanche sur ce vilain Gracq qui lui avait infligé un camouflet jadis, et montrer qu’il n’y a pas que le Renaudot qui sache encenser nos chers disparus. En automne, les couronnes vont aux cimetières.

 

3 novembre 2014 : La vie des genres. Astérisque, obèle, double-obèle et paragraphe sont des symboles typographiques servant d’appels pour les notes en pied de page. Tous masculins, ils ne sont jamais précédés d’une espace.

 

2 novembre 2014 : Tête basse, suite et fin. Un article de chercheurs américains vient de le confirmer : la position du pendu, c'est mauvais pour la santé.

 

21 octobre 2014 : Tête basse, les usagers du métro qui attendent leur rame s'alignent en perspective sur le quai, tous penchés sur leur petit écran bon marché. Alors que le corps humain était fait pour se tenir droit, les yeux fixés au loin avec un zeste de fierté et de confiance en soi, nous voilà tous ramenés à la posture humiliante des pendus en série.

 

19 octobre 2014 : Cucul ! aurait fait un bon titre pour l'exposition Sade à Orsay (et non au quai Branly, comme le croient certains étourdis). Mollement érotique et fortement esthétisante, cette entreprise a le mérite de montrer tout ce que l’œuvre du marquis n'est pas. Que cette parfois estimable Annie Le Brun agite à la télévision ses deux genoux gainés de violet n'ajoute pas beaucoup de stupre à une ambiance où seul le tournage sur place d'un snuff movie chaque jour à seize heures eût convenu. Tandis que notre indigente nation racle les pots du patrimoine pour financer je ne sais quelles erreurs, il est inévitable que tous les écrivains du passé contribuent au bassinet, quitte à ce qu'on les édulcore pour satisfaire la pruderie nationale. Devant tant de bigoterie, Donatien rougirait sans doute pour la première fois de sa vie, de rage.

 

9 octobre 2014 : En somme, nous vivions bien. Non, ce n'est pas le pitch du prochain Modiano mais l'incipit du dernier Gracq, Les Terres du couchant. Julien Gracq est un auteur dont on a oublié de fêter le centenaire car il était à peine mort ce jour-là. Les éditions Corti, qui viennent subrepticement d'effacer le "José" de leur nom, publient ce récit sans son assentiment et sous la forme d'un  livre de poche assez joli, massicoté à l'avance pour pas plus cher.

 

10 septembre 2014 : Forêt-fiction.  Un millier d’arbres viennent d’être plantés pas très loin d’Oslo. Cette bientôt forêt sera coupée en 2114 pour fabriquer le papier nécessaire à l’impression d’une centaine d’ouvrages, que des écrivains connus vont fournir, sous forme de manuscrits inédits, un par an donc. La première contributrice est Margaret Atwood. Ce frêle pont vers l’avenir est piloté par Katie Paterson, pour commencer. Il se nomme « Future Library » et tombe à pic, puisque les bibliothèques publiques auront disparu d'ici là. Ce sera un jour, peut-être, la seule disponible en Europe. Peut-être qu'aussi les gens ne sauront plus lire. J'aurai alors près de deux cents ans, je leur apprendrai.

 

5 septembre 2014 : Bookbook. "Découvrez le pouvoir d'un livre-livre !" Même un fabricant de meubles nordique me suit sur ce point et vante ainsi son catalogue en papier.

 

25 août 2014 : Architecte n'aimant pas la lecture. Pour ceux qui aiment faire la sieste ou les mots-croisés dans les bibliothèques, c'est une bonne nouvelle. Pour ceux qui détestent les bibliothèques un peu sombres et chaleureuses, c'est encore mieux. Mais Santiago Calatrava est quand même un excellent architecte, dont on aime bien les ponts.

 

23 août 2014 : Architecte aimant la lecture, Aníbal González avait truffé la spectaculaire Place d'Espagne de livres à lire en plein air, assis sur l'un des quarante-huit bancs au carrelage frais ; voyez les petites niches, ce sont des bibliothèques. Ce Sévillan était noble et généreux, il avait choisi des ouvrages de qualité, pour que les gens les apprécient. C'est pourquoi, quelques jours après, il n'en restait plus un. Cent ans plus tard, l'éditeur Punto Rojo réitère l'opération lecture gratuite, avec des livres moins beaux sans doute, mais que l'on peut aussi emporter chez soi si on accepte l'idée de les ramener (et d'en ajouter de nouveaux, pourquoi pas).

 

21 août 2014 : Par arrêté royal, les bibliothèques espagnoles devront payer à une caisse centrale un exorbitant droit de prêt pour continuer à faire leur travail : proposer la lecture publique gratuite. C'est également le cas en Belgique, aussi par décret royal. Peut-être faudrait-il se remettre à couper des têtes de rois...

 

15 août 2014 : Feuilleter un arbre.  C'est une possibilité offerte par les xylothèques, bibliothèques où chaque ouvrage est fabriqué à partit d'un arbre précis : écorce pour le dos de la reliure, boîte de son propre bois contenant les détails (feuille, gland, etc.) qui décrivent le spécimen, comme dans un herbier...  Des pages ? Non, il n'y a pas de pages. Des feuilles seulement, mais elles nous parlent quand même. Plus de détails chez ActuaLitté et dans cette archive suédoise.

 

11 août 2014 : Nécro sur nécro. Ce qui me dérange, dans l'annonce de la mort de Pierre Ryckmans, auteur qui fait souvent nos délices, c'est que la kyrielle de notices nécrologiques dévoilent ou soulignent toutes, soudain, qu'il était un catholique forcené, comme si leurs auteurs se signaient en signant leur petit texte de routine. Rien pourtant, dans tout ce que j'ai lu de lui au long cours, ne permettait de deviner un si personnel engagement, tant l'homme était élégant.

 

1er août 2014 : Nécro spirituelle ? Tout de même, et dans Le Monde ! "Ortiz parlait le mandarin comme une pagode". Même Francis Marmande n'aurait pas osé. Ou alors il aurait ajouté "espagnole".

 

31 juillet 2014 : Nécro. J'ai connu Jean-Paul Ortiz à Pékin dans les années soixante-dix, il me semble, à moins que ce soit quatre-vingt. Avant l'inversion qui introduisit l'hiatus saugrenu dans son nom, c'était un étudiant qui servait de stringer à Manuel "China stinks" Lucbert, le correspondant du journal Le Monde ; il me suggérait, pour financer mes inextinguibles pérégrinations vers la Chine, de me lancer dans le trafic de blocs de corail tibétain, qui vaut plus cher que l'or, disait-il. Sa notice nécrologique dans les journaux me confirme aujourd'hui qu'il fut un homme de l'ombre jusqu'au dernier jour, et sans doute au-delà.

 

21 juin 2014 : Plus une bibliothèque est belle, plus elle a risque d'être détruite. Voyez.

 

18 juin 2014 : Les Twitteux déclarent la guerre à Victor Hugo ? Cela prouve que son œuvre devient enfin provocante. Les Twitteux sont ces anonymes qui passent leur temps à presser des boutons. Autrefois, on les appelait des boutonneux.

 

10 mai 2014 : Nous, la communauté de ceux qui réfléchissent un peu, avons le plaisir d'annoncer notre victoire sur le projet débile et nébuleux de "rénover" la New York Public Library ("remplacer les livres par des gens" veus  se titiller le smartphone en buvant un café hors de prix). La NYPL doit rester ce qu'elle est : un lieu de recherche, la fierté de la ville et un modèle pour le monde bibliothécaire (on espère que les Français comprendront la leçon). Détails sur cette sombre affaire éclaircie dans ce journal.

 

8 mai 2014 : un matin de fin 1976, le directeur des Éditions universitaires de Buenos Aires (Eudeba) appelle le chef de l'armée et lui dit : "Tu peux venir, les livres sont à toi." Une vingtaine de titres venaient d'être interdits par la dictature militaire comme "subversifs", ainsi soixante-dix mille exemplaires furent-ils saisis dans le dépôt de cet éditeur et les soldats purent se livrer, en avance sur les artistes actuels, à de brûlantes cérémonies de book art. Aujourd'hui, Eudeba réédite ces livres. Déjà ?

 

16 avril 2014 : Animal, on émeut. Les bêtes deviennent ce jour des "êtres vivants doués de sensibilité" sous la houlette de députés, lesquels sont des êtres vivants démunis du sens de la mesure : pourquoi pas les enfants, tant qu'ils y sont ?

 

6 avril 2014 : Régine Deforges bis.  "Auteure", "Ecrivaine, "Papesse"... Rarement on a autant injurié un défunt. Régine Deforges a été un écrivain de dimension moyenne (et c'est déjà bien), un auteur à succès, une bonne éditrice et, surtout, un éditeur courageux qui s'inscrit dans l'histoire auprès des Girodias, Tchou, Pauvert et Losfeld, si notables dans cette France qui resta pétainiste jusqu'à la fin des années soixante (et maintenant aspire à le redevenir, semble-t-il).

 

4 avril 2014 : Régine Deforges entre dans la tombe en même temps que le manuscrit  des Cent Vingt journées de Sodome dans le formol, boulevard Saint-Germain.  "Je l'ai payé sept millions, dit l'investisseur, et aussitôt assuré pour douze."  Incendie en vue ?

 

15 mars 2014 : Lacan-Foucault-Barthes, drapeau tricolore de la grande pandiculation.

 

15 février 2014 : Etagères vides. Un jour, la Law Library de Los Angeles lance un appel d'offre pour la réfection et la maintenance de ses ascenseurs. Afin de financer un chantier d'une si admirable envergure, elle se défait de ses incunables chez Bonhams à Londres la semaine prochaine. Mais à quoi mèneront les ascenseurs si ce n'est à des images numérisées d'ouvrages qui autrefois se sont trouvés là ?

 

10 février 2014 : La presse a décidé de m'amuser :  « Affreux, sale et méchant, comme le slogan du magazine Hara-Kiri… » (Le Monde, 7 février 2014).

 

25 janvier 2014 : Misery in Missouri. La moisissure a touché les six cent mille ouvrages dont l'université avait confié le stockage à un sous-traitant disposant d'entrepôts assez grands et moins chers, car elle est contrainte à faire des économies par la réduction générale des subventions. Le résultat est là : 1,8 millions de dollars seraient nécessaires pour traiter les pages moisies. Enfin, auraient été nécessaires...

Ce qui rassure, c'est que toutes les bibliothèques publiques américaines (et du monde ?) ont des chances accrues de connaître une situation semblable dans un avenir terriblement proche.

 

20 janvier 2014 : Casse-tête. La fantastique bibliothèque du New York State Education Building, fondée en 1818 à Albany, a déménagé vingt millions d’ouvrages en 1978 en laissant aux générations futures le soin des centaines de milliers de volumes restés dans les sept étages de sous-sol aux merveilleux et grinçants ascenseurs, d’époque. Générations futures ? Voilà, c’est nous. Ou plutôt nos contemporains de là-bas, confrontés à un aspect du problème non anticipé : la numérisation rend la question plus tranchante. « Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de tout garder » dit Bernard Margolis, confronté à l’obligation de vider les admirables lieux et, donc, de pilonner. « Il faut jeter mais faire attention, avertit sa patronne, soyons sûrs de ne pas mettre notre histoire à la poubelle. » La mission est, évidemment, impossible. Le poignant sujet est bien traité par Paul Grondahl, avec de belles images, dans le Times Union du 18 janvier 2014.

 

23 décembre 2013 : Après l'Amazonie, les grandes firmes papetières saccagent les terres chinoises en plantant le mortifère eucalyptus, matière première du papier le plus inutile du monde, celui des bureaux. Paysans expropriés, sols détruits, journalistes reconduits à la frontière, la Chine s'enfonce dans le plus mauvais des exemples occidentaux. Enquête à lire dans Revue XXI.

 

15 septembre 2013 : La popularité au meilleur prix. « Les événements terribles, tels que des incendies ou l’exécution de quelque grand criminel, me firent faire plus d’une fois de tristes observations, mais ce qui me frappa surtout, ce fut l’autodafé d’un livre ; c’était un roman comique français ; il n’attaquait point l’Etat, mais la religion et la morale y étaient fort maltraitées. Je fus témoin de l’exécution, et ce châtiment appliqué à un objet inanimé avait quelque chose d’effrayant à mes yeux. Le nombre d’exemplaires saisis était fort considérable, les ballots éclataient dans le feu où on les remuait avec une fourche, le vent fit envoler quelques feuillets dont la foule s’empara avec avidité. Le lendemain, je me procurai à grands frais un exemplaire de cet ouvrage, et tout le monde en fit autant. Si l’auteur n’eût aspiré qu’à la popularité, il n’eût pu mieux se servir lui-même. » Mémoires de Goethe : Poésie et réalité, volume 1, Paris, Charpentier, 1855, p. 93-94. Cette citation manque dans Livres en feu mais on pourra l'imprimer et la coller en exergue, si on le souhaite.

 

20 juillet 2013 : Hesperia ultima, ou le Dernier couchant, c’est le pays toujours plus à l’Ouest que tout le monde. Les anciens Grecs désignent ainsi l’Italie, puis les Romains l’Hispanie. Quant aux îles Hespérides – là où fleurit l’oranger –, elles se situeraient donc du côté des Canaries, avec leur mythique jardin, tenant compagnie aux brumes de l’Atlantide.

Chassé par l’islamisme de Jogjakarta, où je faisais mes gammes au gamelan, puis du Caire, dont je tentais de psychanalyser l’omnipotente poussière, et ensuite de la charmeuse Tunisie, où les hommes se cachent pour boire une bière, bientôt peut-être d’Istanbul, ma pérégrination forcée vers l’Hesperia ultima n’aura donc pas de fin ?

Vous me direz : plus à l’Ouest il reste la Guadeloupe. Mais nos ministres de l’agriculture successifs et sans exception y ont permis que la langouste y devienne cancérigène avec le chlordécone, un assaisonnement interdit partout dans le monde, sauf chez les békés. Alors, peut-être vais-je finir par prendre l’Andalousie comme bout du monde et point de chute : ce serait un bon tour joué au dragon barbu, qui ne me cherchera pas là.

 

16 juillet 2013 : Si j'avais un chat, je l'appellerais Milou.

 

15 juillet 2013 : Un magicien possédait un cochon savant qui vivait en vrai gentleman et était devenu célèbre dans le pays. Mais son maître sentait qu'il n'était pas heureux. Aussi décida-t-il de le changer en homme par un procédé qui serait facile à expliquer si l'espace ne nous manquait pas. L'animal abandonna ses cartes, sa montre, ses instruments de musique et tous les autres ustensiles de sa profession et courut se rouler dans la mare de boue la plus proche.

"Il y a encore dix minutes, tu aurais eu le plus grand mépris pour une telle action, dit le magicien d'un ton réprobateur.

- C'est exact, répondit le porc avec un grognement de plaisir. J'étais alors un cochon savant, me voici homme de culture." Ambrose Bierce, Les Fables de Zambri, Paris, Le Dilettante, 2013.

 

5 juillet 2013 : Souvenir d'Istanbul. Un soir, savourant un dry remarquablement confectionné sur une terrasse du Bosphore, j'eus une pensée pour Mustapha Kemal, qui buvait un verre devant le même coucher de soleil un soir de 1934, à quelques pas de là ; soudain, la voix éraillée de l'appel à la prière tomba d'un minaret trop proche. "C'est inconvenant", dit-il. Et le minaret fut rasé dans la nuit.

Mustapha Kemal est mort d'une cirrhose du foie. Un chef  d'Etat alcoolique ne peut pas être un homme complètement mauvais, voilà ce que je dirai à ce M. Erdogan la première fois que je le rencontrerai.

 

31 mai 2013 : Mauvaises nouvelles d'Istanbul. Voyage annulé. Penser à adresser de vives remontrances à ce M. Erdogan : on ne met pas son pays à feu et à sang, comme ça, sans demander leur avis aux touristes étrangers, qui sont les véritables actionnaires des pays qu'ils visitent.

 

28 mai 2013 : Bons baisers d'Istanbul. Apprenant que Turkish Airlines interdisait à ses hôtesses l'usage du rouge à lèvres, je lui ai renvoyé ma carte de Miles avec un courrier bien senti. Je ne dois pas être le seul : huit jours plus tard, la compagnie publie un démenti avec une explication embarrassée selon laquelle c'est un sous-chef du service publicitaire, licencié depuis, qui aurait lancé la fausse nouvelle. C'est malin : me voilà sans carte de Miles. Forcé d'aller en Turquie sur Air France ?

 

27 mai 2013 : DSK lance une mode. L'image est maintenant emblématique de cet homme dont le destin cherchait à se débarrasser : pour l'humilier au dernier degré on l'a montré au monde sans cravate et mal rasé. Quel succès ! Un an plus tard, tous les hommes qui veulent arriver paradent le col ouvert et avec une barbe de quatre jours, tous, les cuisiniers, les photographes, les amuseurs et le tiers des anciens présidents de la république encore en vie. Je comprends pourquoi : leur mise ne choquera personne en sortant de garde à vue.

 

26 mai 2013 : Fête d'Emaer. Et à propos de l'élégance en politique, nous ne cessons de dévaler une longue et interminable pente, sans doute sous l'influence du caniveau médiatique, de plus en plus négligé, à l'instar du langage et de la métaphysique. Déjà, en 1958, Philippe Jullian disait : "Il y a des députés séduisants, des députés frivoles, des députés qu'on invite, des députés spirituels, des députés qui font courir, des députés bien nés (à l'extrême-gauche, de préférence), il n'en est point d'élégants." (Dictionnaire du snobisme, éd. Plon.) La Sainte Parité nous sortira-t-elle de l'ornière ?

 

9 mai 2013 : Fête de Jeanne d'Arc. Nous avons eu un maire de Paris, député du XVIIe et ministre des Travaux publics qui était noir. Ce fils d'esclave né à La Havane répondait au nom, pourtant mémorable, de Severiano de Hérédia. Il avait infiniment plus de chic que tous les occupants récents de l'Hôtel de Ville.

 

6 mai 2013 : à madame la ministre de la Culture. L'extension du domaine de la gratte par un député rusé amène celui-ci à vous questionner sur l'opportunité qu'aurait la taxation des livres d'occasion, afin "d'assurer la pérennité de l'emploi dans l'édition". Madame, si par malheur j'étais à votre place, je lui répondrais : d'accord, mais la totalité de l'argent ainsi récolté alimentera un fonds de soutien aux écrivains et au libraires qui gagnent moins que le minimum vital, ceci en vue d'assurer la pérennité de la littérature.

 

4 mai 2013 : Gratteron. La loi sur les livres disparus des librairies faisait déjà tache dans le jardin des lettres. Voilà que le même rapporteur (un député savoyard plutôt connu pour ses problèmes de logement), glisse une question vicieuse à la ministre : ne faut-il pas taxer les bouquinistes, ces infâmes revendeurs de livres en papier et d'occasion, de façon à faire cesser ce scandale : un livre qui volète librement de main en main à l'heure où chaque lecture doit rapporter de l'argent ? La loi de la gratte n'est-elle pas au-dessus de toute autre considération ? La perfidie est reniflable ici, sur le site de l'Assemblée nationale, où l'on peut aussi s'inscrire pour recevoir la réponse ministérielle directement chez soi. Pendant ce temps, mon jardin est envahi par le gratteron (gratteron, ou glouteron, gaillet, aspérule, bardane), un parasite qui l'étouffera si je ne fais rien.

 

3 mai 2013 : L'agenda signale qu'aujourd'hui il faut fêter deux SS : Philippe et Jacques.

 

31 avril 2013 : Une date rare mais qui convient pour célébrer la mémoire de Julio Mario Santo Domingo Jr. (1958-2009), un conseiller en investissement qui abandonna son métier pour se consacrer à former une très considérable bibliothèque de tout ce qui touche aux états seconds, autrement dit la drogue dans la littérature, un thème qui n'interdit pas quelques écarts vers l'érotisme. La collection regorge d'ouvrages français du XIXe siècle, plutôt américains du siècle suivant, et de travaux scientifiques variés, pour un total dépassant les cinquante mille cotes. A la mort de son père, Julio Mario Santo  Domingo III s'est empressé de confier le tout à la Houghton Library de Harvard, en tant que "prêt à long terme", ce qui nous fait sourire un peu.

 

30 avril 2013 : Le fiel perle aux commissures des instigateurs anonymes de notre loi sur les livres indisporphelins quand ils voient Robert Darnton, autodidacte, ancien faitdiversier devenu maître à penser de la bibliothèque mondiale, réussir à lancer celle-ci en trois ans sans voler l'argent des contribuables et, surtout, à énoncer des idées généreuses sur la lecture publique gratuite. Ces idées viennent directement du siècle des Lumières, passent par Victor Hugo, et étaient mises en ligne par La Grande Numérisation en 2004.

 

28 avril 2013 : La honte de la famille ? C'est la question qui se pose quand on voit les héritiers des ducs de Luynes (les ducs de Luynes !) vendre la bibliothèque ancestrale à l'encan pour payer des travaux du château, une architecture lourde et ennuyeuse qui ne vaudra plus rien, une fois disparus les livres qui en constituent l'âme. Je connais des héritiers qui se seraient plutôt passé un coupe-papier par le travers du corps. Le plus malsain de cette histoire est que les prix atteints par les enchères sont plusieurs fois supérieurs à une cote normale, justement à cause de leur dramatique extraction. Qu'une grande famille soit insensible à cette nuance signifie qu'elle est indigne de sa lignée. Allez, à la lanterne !

 

12 avril 2013 : Yéti. Dans le Maine, Christopher Knight a joué les Walden pendant vingt-sept ans, à ceci près qu’il a commis plus de mille vols par effraction pour se nourrir. Un bon point pour l’ermite de North Pond : il ne touchait jamais aux téléviseurs, téléphones ni à l’argent s’il en trouvait. Quand on l’a arrêté, il avait sur lui une liasse de dollars moisis, vieux de trente ans. « C’était pour faire les courses », avoua cet amoureux de la nature.

 

2 avril 2013 : Pinocchio. Que ce bonhomme de Villeneuve-sur-Lot ait tellement menti qu'il a dégringolé de son trône municipal, personne ne s'étonnera : c'est la loi du genre. Par contre, remarquez la façon très significativement incorrecte dont il emploie le verbe "abonder" : depuis longtemps,  dit-il, "mon compte n'avait plus été abondé". S'il maîtrisait le français, il saurait que la seule manière d'utiliser ce verbe est, par exemple, en parlant des finances publiques, "l'argent y abonde". Sinon, le compte bancaire en question serait approvisionné, alimenté, crédité, tout simplement. Bref, ce bonhomme de Villeneuve-sur-Lot était, comme son langage, perdu.

 

26 mars 2013 : Kutub tahtariq. Pour tous ceux qui souhaiteraient absolument lire Livres en feu en arabe, il est possible de l'acquérir chez un distributeur tunisien au prix de 18 dinars (9 € environ).

 

14 mars 2013 : Le silence est argentin. « Parfois, le feu vert a été donné par les évêques eux-mêmes. Le 23 mai 1976, l’infanterie de marine a arrêté, au presbytère du quartier de Bajo Flores, le prêtre Orlando Iorio, et l’a détenu pendant cinq mois en tant que « disparu ». Une semaine avant l'arrestation, l'archevêque Aramburu lui avait retiré les autorisations ministérielles, sans raison ni explication. Par diverses informations entendues par Iorio en captivité, il est clair que la Marine a interprété cette décision - et, peut-être, quelques commentaires négatifs à son égard du provincial des jésuites Jorge Bergoglio -, comme une autorisation d’agir contre lui. Sans doute l'armée les avait-elle mis en garde tous les deux contre le danger supposé qu’il représentait. » Iglesia y dictadura, Emilio F. Mignone. Version française : Les Disparus d'Argentine. Responsabilité d'une Église, martyre d'un peuple, Editions du Cerf, 1990, épuisé mais on peut voter ici pour sa réimpression.

 

11 mars 2013 : Au trou. Ce qui est rassurant, dans ce qui s'érige aux Halles de Paris, c'est que dans une vingtaine d'années ce sera remplacé. Et sans doute, comme aujourd'hui, par quelque chose d'identique et présenté comme pas pareil.

 

6 mars 2013 : sans maquillage ni chapeau noir, elle n'est reconnue par personne dans le métro : elle pourrait être femme de ménage dans une entreprise inintéressante. Le seul détail troublant, c'est qu'elle lit son courrier. En se tordant le cou, je déchiffre une enveloppe : Mademoiselle Nothomb, est-il écrit.

 

5 mars 2013 : Un lieu sûr. Durant trente ans, le musée de Baghdad n'a ouvert que pour Saddam, ses dignitaires et ses invités étrangers. En 2003 les envahisseurs américains en ont causé le pillage. Depuis, il a été restauré, ses collections en partie reconstituées. Mais il est toujours fermé sine die, ainsi que le narre El Sharq el Awsat, ainsi qu'un article plus riche et en anglais, en Suède. Toujours  à Bagdad, l'antique Rue des Livres a été détruite (livres, libraires, liseurs, adultes et enfants ensemble) par une bombe, en 2007. Le projet "Al-Mutanabbi Street starts here" tente de s'en souvenir et de repartir à zéro, dans l'indifférence totale du monde francophone.

 

20 février 2013 : Soufflé par l'imagination anonyme de certains fonctionnaires : "Numistral" est le nom très curieux donné à la future collection de livres virtuels de la bibliothèque de Strasbourg, sous la houlette de Gallica. Faut-il y deviner le slogan subliminal "Autant en emporte le numérique" ?

 

5 février 2013 : Lu. « Internet : les empires contre-attaquent », par Thomas Gomart, directeur du développement stratégique de l’Institut français des relations internationales (Ifri), et Patrice Lamothe, PDG et cofondateur de Pearltrees, "Libération", 3 février 2013. On aimerait bien partager l'optimisme à long terme de ces deux apprentis prophètes, mais ils ignorent qu'un troisième empire travaille depuis longtemps à détruire l'Internet de l'intérieur. Tous les chercheurs et rêveurs qui furent les premiers enthousiastes du nouvel outil commencent aujourd'hui à déchanter parce qu'ils le voient devenir le vecteur et même la seringue de l'imbécillité crasse, tandis que les ressources mirifiques dont il était nourri à ses débuts sont désormais verrouillées et hors de prix. Voyez JSTOR, par exemple.

 

4 février 2013 : Du gratuit pas cher. Ceux, peu nombreux, qu'indigne la braderie du patrimoine par la BnF sont bien sympathiques, mais on ne comprend pas très bien pourquoi on ne les entend qu'aujourd'hui alors que le processus a commencé il y a un bon lustre. Voulez-vous lire ou relire un vieux classique comme Bajazet (de Racine, dont, je vous le rappelle, le prénom est Jean) sur Gallica ? Il faut payer. C'est le résultat d'une exaction déjà dénoncée, et brillamment, par l'éditeur Michel Valensi dans son article Marchands de bits, en 2008.

 

2 février 2013 : Crêpes flambées. La librairie londonienne Freedom Press vient de subir une sévère attaque à la bombe incendiaire. Penser à lui envoyer quelques mots de soutien, voire quelques sous.

 

30 janvier 2013 : Ah !  On se demande d'où sortent ces "islamistes" qui ont occupé Tombouctou et ont décampé, la Kalachnikov entre les jambes, à l'approche de nos Bleus valeureux . Même pas capables d'incendier proprement une bibliothèque !

 

27 janvier  2013: Bag au doigt. Un homme normal - mettons Casanova, Sade ou Kierkegaard, si vous voulez - ne peut qu'avoir du mépris pour les institutions bourgeoises en général et le mariage en particulier. Aussi sommes-nous étonnés de voir tant de gens exprimer leur anormalité sur cette question.

 

26 janvier 2013 : Styles. Ce qu'il faut savoir sur ce que l'on sait des cinq raisons de ne plus suivre l'actualité en ligne ? Je viens de vous le dire.

 

Décembre 2012 : Mon potager étant bien lancé, je reviens sur mes traces.

 

24 juin 2006 : Blanc. Pour une durée indéterminée sauf après que celle-ci aura cessé, cette rubrique s'interrompt pour prendre le temps de réfléchir, notamment sur elle-même.

 

23 juin 2006 : Rubrica. <Pour les vrais mordus d'enluminure et d'écriture médiévales, l'abbaye de Saint-Gall vient d'ouvrir ses rayonnages électroniques. Une centaine de manuscrits sont feuilletables en tous sens et agrandissables à volonté pour les copistes d'aujourd'hui. Navigation et informations générales en français, mais la maîtrise de l'allemand et du latin ne sont pas inutiles pour bien profiter des passionnantes données sur ces 40 000 pages. Félicitations et remerciements empressés à l'équipe du professeur Christoph Flüeler pour cette merveilleuse entreprise : c'est peut-être la seule bibliothèque du monde à pouvoir se donner à lire telle qu'il y a douze siècles !

 

25 mai 2006 : Bleu. Au jeune Algérien qui me sert à la fromagerie des Petits-Carreaux, je demande une demi-livre de beurre. Sans sourciller, peut-être à cause du piercing qui lui barre l'arcade, il se dirige vers la motte et demande en biais à la caissière, qui est chinoise, combien de beurre il doit me donner, en fait. Comme elle lui répond 250 grammes, il s'étonne : " Mais pourquoi il parle en livres ? " C'est une question que je me pose aussi depuis longtemps.

 

20 mai 2006 : Mouvements de troupes. Après deux ans de réflexion, Microsoft a décidé de copier lui aussi son petit camarade Google, mais en tentant de passer pour un bon garçon aux yeux de la maîtresse : son projet de numérisation de livres reste une offre polie et irrésistible adressée aux éditeurs. Si bien que la majorité de l'édition française enrage : le cadeau de bienvenue est pour l'instant réservé aux Américains !

 

15 mai 2006 : Le petit dernier pour la route. Au creux de cette Mer Rouge qu’est le passage du livre réel à la lecture en ligne, je voudrais dire à quel point Livre, (Michel Melot, éditions de L'oeil neuf) me semble une lourde borne qui vient de tomber, là, pour bien marquer un point de non retour. Le titre, d’abord : pas de titre, couverture mollement rigide, enduite d’un pelliculage mauve tel un linceul glacé, tandis que le papier est imprégné d’azurants optiques, dont on sait la volonté de tuer le papier ; typographie à l’avenant, pas même décongelée. Et regardez bien l’esprit fooding des illustrations : ce sont ces mêmes très gros plans auxquels sont réduites les plaquettes institutionnelles, celles des banquiers, des fédérations d’associations de syndicats professionnels, images aveugles de ceux qui n’ont rien à dire et tant à vendre. Noli me legere semble siffler la chose dans sa morgue.

Ne voilà donc pas une publication exemplaire et courageuse ? Elle signifie qu’il faut maintenant, ô enfants, songer à se défaire de la relation amoureuse qu'entretenaient le texte et le papier, que le divorce est consommé entre les deux rives, celle de l’idée et celle de son support physique. Nul mieux qu’un vieux bibliothécaire n’aurait su avec autant de tact nous détacher les mains de vieilles et bientôt honteuses habitudes.

 

3 mai 2006 : It's not working. Non, ça marche pas. Les derniers mots du condamné Joseph Lewis Clark qui vient de se faire torturer dans l'Ohio à rideaux fermés, nous devrions les adopter comme devise de l'année. Rien ne marche : la course des rats politiques peine à nous amuser encore malgré les surenchères et pas un tsunami en vue.

 

05 mars 2006 : Un milliard l'image et plus. Enlacé par deux athlètes voici le héros du jour qui grimpe dans son avion spécial ; leurs cagoules mettent en valeur les trois-quarts vaguement ironiques de son visage. La rédaction du JDD a même flouté les menottes dans son dos, sans doute afin que la famille Menottes ne les reconnaisse pas. Tandis que trente motards l'accompagnent à sa résidence on s'étonne un peu que le ministre de l'intérieur ne soit pas venu à sa rencontre sur le tarmac.
Lorsque le suspect a été intercepté en Côte d'Ivoire, un journal assurait que son extradition pourrait prendre des semaines, voire des mois : l'affaire permettrait une pression de Laurent Gbagbo sur Paris en vue de faire oublier le sombre dossier Kieffer. Mais le gouvernement français a trop besoin, tout de suite, de cette image dominicale du monstre embastillé. Celle-ci sera donc payée au prix fort, même si discret. A qui profite le crime, demandait-on autrefois. La réponse aujourd'hui est : à tout le monde.

 

22 février 2006 : La calligraphie arabe mène à tout. Après vingt-cinq ans de présence à la direction de l'Ircica, le riche institut de recherche sur l'art et l'histoire de l'Islam, dont il est le fondateur, et qui est en quelque sorte le conservatoire de la calligraphie arabe vivante, le Stanbouliote Ekmeleddin Ihsanoglu est devenu en 2005 le secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (l'ONU des 57 pays musulmans). C'est à ce titre qu'il s'est élevé hier contre la fatwa venue de l'Uttar Pradesh qui veut couper le cou à ces pauvres caricaturistes danois, qui ne savent plus où se mettre. Le professeur Ihsanoglu (prononcer "Ihsanoolou") est un homme bien élevé, que le lien de l'islam avec toute forme de violence révulse profondément et même, sans doute, sincèrement. En lire davantage ici (mais en s'armant de patience, ce site est certainement le plus lent du monde).

 

10 février 2006 : La loi parle et givre. Dans la grande vague exterminatrice de la Bibliothèque par la Médiathèque, celle-ci marque encore un point à Clamart avec la fermeture décidée de concert par monsieur le Directeur du livre et monsieur le Maire, sans doute inspirés par LVMH à la Samaritaine : "pour raisons de sécurité". Mais l'établissement n'est pas, pour une fois, une humble municipale que seule une poignée d'érudits et de nostalgiques regretteraient. "La Joie par les livres" a une histoire, même mieux : un pedigree. Aussi l'occupation des lieux n'a-t-elle pas tardé et la presse s'est empressée de faire le rapprochement de cette bévue avec d'autres bavures en banlieue. Dernière heure : les édiles entameraient un repli stratégique en ordre dispersé à en croire ce journal plutôt que le site officiel. Comme toujours on laissera croire à la pression populaire qu'elle a vaincu et les exterminateurs parviendront à leurs fins autrement et plus tard, en crabe.

 

8 février 2006 : Nos vieilles barbes. Oscar du marketing à "Charlie hebdo" pour son numéro spécial vendu à 400 000 exemplaires, dont la caricaverture signée Cabu réussit à portraiturer sans visage - comme dans les livres anciens censurés des bibliothèques de l'Islam - un prophète accablé par la bêtise des extrémistes, donc rendu sympathique et consensuel. Soupir de soulagement de l'Elysée jusqu'au Caire. On frémit à la pensée des images que les grands ancêtres bétémés de ce journal auraient, eux, publiées.

 

23 décembre 2005 : Nocturnes. On ne peut qu'admirer l’économie de moyens du parti au pouvoir, qui élimine ses concurrents plus à droite en faisant porter par un seul député les attaques homophobes, l’envie de rétablir la peine de mort, le « rôle positif » de l’Algérie française et la loi sur les DADVSI. Cet innocent, comme on dit dans le Midi (il s’appelle Christian Vanneste, porte des Ray-Ban cerclées d'or et nous vient de Tourcoing) risque de se sentir bien seul quand il sera en enfer.

Par-dessus tout, ces offensives en règle prouvent, s’il en était besoin, que dans le ventre du libéralisme grouillent les larves d’un obscurantisme new look. Mais qui s’en soucie ? Le citoyen a mué en contribuable-consommateur et la gauche prépare les présidentielles de 2012.

On est libre de préférer les nocturnes du Louvre à celles du Palais Bourbon, en particulier pour éplucher à la quasi loupe les mastodontes sophistiqués d’Anne-Louis Girodet (1767-1824), qui est peut-être le seul peintre culotté de ce pays avant le XXe siècle : voir par exemple dans sa "Scène de déluge" l'allégorie de l'être humain déchiré par les horribles tiraillements familiaux. L’exposition se termine mais qu’à cela ne tienne : on peut la suivre à Chicago, New York puis Montréal. Sinon, le catalogue de quatre kilos neuf ne vaut que 49 euros (on regrette seulement que l'imprimeur, catalan, ait chargé avec trop de générosité sa machine d'encre noire : certains paysages ou portraits sont peu reconnaissables pour qui a vu les originaux lumineux, riches de détails subtils, mais virent au romantisme épais pour les autres).

 

22 décembre 2005 : Chocolats ! Ce qui manque le plus à ce combat de Dadvsi c’est un Goliath qui, faute de pouvoir gagner, montre à quel point son adversaire est moche et petit.

Dadvsi : « droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information » (et non « sur internet » comme le dit plus d’un blog), est un alignement de mots dont chacun ou presque est mensonger, mais personne ne s’élève pour dénoncer ce tissu de sottises destiné à abuser encore un peu plus les gens et plonger la main dans leur porte-monnaie. Un ou deux députés se lèvent en revanche pour proposer une idée de licence globale qui est une fumisterie absurde et impraticable, si ce n’est pour aérer un peu de sa naphtaline l’opposition. Les amateurs de démocratie, ce fromage d’antan, pleurent sur les ruines d’un parlement où les seules personnes compétentes sont celles qui imposent le droit des lobbies auxquels elles sont assermentées.

 

20 décembre 2005 : Des moutons... Moutonsss… Une nouvelle bourde, relevée par « Droits d’auteur le village », montre que le ministère des JENER (jeunesse, éducation nationale et recherche) entre en compétition avec celui de la culture dans la course des cyber godillots. Le préambule d’un « protocole sur l’utilisation des œuvres de l’esprit à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche, secteur de l’écrit », en cours de négociation avec des ayants droit, proclame en effet qu’ « un certain nombre d’utilisations traditionnelles des œuvres, telle la récitation, la lecture ou la dictée, nécessitent des autorisations qui, jusqu’à présent, n’étaient pas délivrées de manière expresse. » On peut suggérer que le Journal Officiel devienne le seul support pédagogique de ces exercices obligés. Belle économie en vue.

 

30 novembre 2005 : Notable retranché. La cervelle récurée jusqu’au sang par la recherche de nouveaux « objets » à mettre en tête de ses spams de Viagra et de Cialis, un petit malin a, semble-t-il, fini par mettre au point un logiciel de fabrication automatique de sujets, qui associe de manière aléatoire deux substantifs pris au hasard dans un dictionnaire, plus rarement un adjectif et un substantif, ou un adverbe et un adjectif. Nous n’avons pas hélas et pour l’instant, d’équivalent dans notre langue, ce que sans doute les défenseurs de la francophonie vont encore stigmatiser, mais voici pour les amateurs éclairés quelques-unes de ces bizarreries, dont certaines sont assez drôles, d'autres parfaitement hermétiques : Entrenched notable, hardup heaven, monomania constitution, alumni nook, washer appliance, retention lubrication, choleraic seedcake, angleworm leva, interleaf medicare, photozincography Pembroke, recumbency publication, mango locksman, unconvincing omission, song peaceable, Cingalese rabbitwarren, overdrawn phylogenesis, skier baseless, geophysical psychosis, clarinet macroscopic, japonic carpet, campaign billet, infusion mnemonic, arrangement mob, disconnectedly enclitic, hostility cosmetic...

Il ne reste plus aux membres anglophones de l'Oulipo : Harry Matthews, Ian Monk, Ross Chambers… qu’à écrire un roman incluant ces données.

 

28 novembre 2005 : Vie sociale de l’information. Il n’existe à ma connaissance qu’un ouvrage profond, encore qu’assez amusant à lire, qui traite - parmi de nombreuses autres observations sur l’obsolescence à moyen et long terme des entreprises, mass medias, gouvernements, bibliothèques, universités, etc. - de l’absence d’humour et de distance que la dématérialisation du quotidien génère et générera. Contrairement à d’autres contrées, aucun éditeur français ne semble avoir eu vent de la pertinence brûlante de ce travail, dont la première apparition date pourtant de 2000.

John Seely Brown et Paul Duguid, The social life of information, Boston, Harvard Business School Press, 2002.

 

26 novembre 2005 : Qu’est-ce qu’on a ri ! Eté hier au théâtre de marionnettes, voir les nouveaux duettistes Finky et Diabledonné. Finky est le maigre mal peigné qui parle tout le temps et retourne les mots comme des gants au fur et à mesure, tandis que Diabledonné s’énerve et ne comprend rien à rien. C’est irrésistible, surtout quand Finky dit à des journalistes étrangers des choses « qu’il est impossible d’exprimer en France », de façon que tous les journaux parisiens les impriment le surlendemain. Sommé de s’expliquer, Finky baratine que la reproduction de son discours crée un double de lui-même, lequel veut bien s’excuser à la rigueur. A ces mots, ce gnafron de Diabledonné ne trouve plus les siens, qu’il a pourtant peu nombreux. Il se rue sur Finky et lui éclate la tête avec son gourdin. Cris et applaudissements. La salle se vide, c’est l’heure du goûter.

 

4 octembre 2005 : Retour atelier. La plupart des éléments qui constituaient les archives 01/2004-10/2005 de ce journal sont retirés pour être actualisés, peaufinés et développés afin de servir de point de départ à Feux sans fin, livre imprimé sur papier chez Denoël, début 2007, ou tout autre publication qui semblera utile.

 

24 septembre 2005 : Retour. La parenthèse s'est ouverte de manière instructive à Alger (cela sera raconté, peut-être même en détail). Elle se refermait avec une conférence enflammée à Genève hier, pour voler au secours des bibliothèques, plus menacées que jamais, et aussi de ce pauvre Google Incorporated, si empêtré dans un projet qui le dépasse mais dont nous avons besoin. La presse française claironne que Google Print Library est traîné en justice par l’Author’s Guild et trois de ses membres. Première question que devrait se poser le journaliste avant de transmettre l'information : qui sont, très précisément, ces gens ? La réponse surprendrait.

 

26 juin 2005 : Ouverture d'une parenthèse. Ce journal se permet une pause jusqu'à l'automne afin de livrer le prochain manuscrit à temps pour une publication en janvier.

 

30 avril 2005 : Réponse à une bibliothécaire. Au cours de la conférence donnée hier matin à Genève à la demande de la Bibliothèque nationale suisse, devant une salle comble de bibliothécaires passionnés (impensable à Paris ?) par l'avenir des collections de livres et de la lecture publique, une auditrice s'étonne de mon optimisme quant aux progrès de la technique après que j'ai dit, en substance, que celle-ci s'améliore toujours quoiqu'on fasse : elle prend pour exemple contraire l'obsolescence des supports de la mémoire. N'ayant pas eu assez de temps pour lui faire une réponse conséquente, voici : quand j'ai commencé à publier des textes dans les périodiques, en 1962, il fallait les envoyer par le facteur, ensuite on pouvait le faire par fax et maintenant la page formatée peut aller directement des neurones à l'imprimeur, ou au journal en ligne. Avancement indéniable. Mais si l'archivage des livres numérisés implique une angoissante nécessité de report tous les cinq ou dix ans d'un support matériel à un autre, du magnétique au Century Disc et demain le nano machinchose, c’est à cause d'une concurrence effrénée des marchandiseurs, qui sont au moins d'accord sur le principe de ne fabriquer que du périssable. Le progrès technique en fait s'accélère, mais le paradoxe est que, maintenant, le résultat est à l'opposé de ce qu'il nous semble raisonnable de souhaiter. Mais le papier enterrera tout cela.

 

29 avril 2005 : Fête nationale au Togo. Lomé est à feu et à sang. Des jeunes ont incendié aujourd'hui la bibliothèque du Goethe Institut et 300 000 € de livres sont perdus. Les motivations des manifestants sont peu claires, dit le secrétaire d'Etat chargé de la crise en Allemagne, dont le Togoland était il y a cent ans une Musterkolonie, une colonie modèle.

 

2 avril 2005 : monsieur mon cher président, ne devriez-vous pas signifier à votre séide Gaudin qu’une bibliothèque n’est pas un music-hall et qu’il devrait aller organiser ses parties-surprises ailleurs (le Panier, par exemple, semble très indiqué pour le pince-fesse), surtout s'il décrète que l’institution sera fermée ce jour-là sans craindre d'exprimer son mépris pour les Marseillais qui aiment les livres et ceux qui sont au service de ces derniers. Cette bibliothèque de l’Alcazar, c’est vous qui l’avez inaugurée. Relisez votre blog : « Grand espace de lecture publique, d'étude, de recherche et de conservation des documents, la plus importante bibliothèque patrimoniale de la Région Provence - Alpes - Côte d'azur s'impose également comme un lieu actif de développement culturel facilitant l'accès à l'information, à l'éducation, à la culture et aux loisirs de tous les publics. » Double raison de rappeler à l’ordre l’édile au comportement par trop provincial et qui se croit encore sous Marcel Pagnol.

 

08 février 2005 : Le bibliothécaire avait une sale gueule. Ne pas manquer l'exposition Looted Books à Vienne, qui dure jusqu'au 27. A défaut de faire le voyage, il est possible de commander le catalogue (20 EUR) ou, a minima, de voir quelques images sur le petit site consacré à cet événement rare : la Bibliothèque nationale d'Autriche affrontant son passé nazi.

 

07 février 2005 : A lire aujourd'hui dans Le Monde : la réponse annoncée le 22 janvier et ci-dessous a été publiée aujourd'hui. NB : le titre est de la rédaction du journal, de même que l'incise "comme le pense Jean-Michel Jeanneney", laquelle présente deux particularités : Jean-Michel Jeanneney a collaboré à un Lancelot du Lac avec Pastoureau, mais c'est certainement "Jean-Marcel" que le secrétaire de rédaction voulait ajouter dans son gauche caviardage. Ce Jean-Marcel Jeanneney était ministre des affaires sociales en 1966 et son fils est président de la BnF sous le prénom de Jean-Noël. Par ailleurs la petite phrase est placée à un endroit un peu bizarre, qui ne correspond pas du tout, justement, à ce qu'il pense. Cet homme estimable saura ne pas tenir rigueur de la dite faute à celui qui ne l'a pas commise mais, en revanche, revendique tout le reste, quoique sans animosité.

 

31 janvier 2005 : Ce jour-là justement. Sans grand effort, la suite de "Livres en feu" se nourrit chaque semaine de fermetures de bibliothèques dans le monde, auxquelles l'omnigooglisation ne va pas manquer de donner un bon coup de pouce. Les coïncidences n'existent pas toutes seules : le jour même de la proclamation Google, le 14 décembre dernier, on annonçait non seulement une disparition au CE de Renault Le Mans (voir plus bas) mais encore, apprenons-nous aujourd'hui, une décision tout aussi négative à l'Insee, dont la direction générale supprimerait sa bibliothèque, ne conservant que les publications maisons. Pas d'écho dans les journaux pour l'instant donc pas de lien, mais on peut entrer en communication avec un des syndicats mobilisés si on le désire : dg75-syndicat-cgt@insee.fr dg75-syndicat-cfdt@insee.fr dg75-syndicat-sud@insee.fr

 

22 janvier 2005 : "Ce jour où le monde a changé". Aurons-nous dans trois ans seulement la Grande bibliothèque encyclopédique et universelle au bout de nos doigts ? Avec quelles conséquences, bonnes et mauvaises ? La réponse est si vaste que quelques pages sont en cours de rédaction depuis un bon mois. Entre-temps, le président de notre Nationale, première victime du raz-de-marée annoncé, a fini par sortir de sa réserve tolbiacaise (Le Monde, 22-23 janvier), pour avancer des propositions indignes du XXIe siècle, et auxquelles il sera répondu.

 

31 décembre 2004 : IN PPN, l'Imprimerie nationale ne passera pas la nuit. Toutes les raisons de la condamnation à mort sont alignées dans un dossier de presse intéressant à plus d'un sous-titre, et Télérama y va de son requiem. Mais on remarquera que tous ignorent les Editions du même nom, comme si l'imprimeur de nos feuilles d'impôt comptait davantage que les dignes successeurs d'Aldo Manuce.

 

23 décembre 2004 : A mot couvert. Le jour où a été annoncée la nomination de madame Rice comme Secrétaire d’Etat américaine, un éditorialiste parisien titrait : « Monica II ». Quoi ? Bush aussi ? Mais non, il s’agissait d’une histoire de petit navire.

 

14 décembre 2004 : L'omnigooglisation du savoir a commencé. Le monde tremble d'excitation, de questionnements et d'angoisse : Google vient de passer un accord avec nombre de bibliothèques majeures (Harvard, Oxford, Stanford, Michigan et NYPL) pour numériser rapidement et sans distiction tous leurs livres afin d'en mettre en ligne le contenu. Une bonne centaine de millions de dollars va être rapidement déversée dans la mise au point et la production en série de scanners spéciaux destinés à obtenir un résultat tangible sans trop tarder (la numérisation des fonds avait débuté un peu partout, mais elle était lente, précautionneuse et hors de prix). En l'occurrence, admirons l'OPR (offre publique de rapt) lancée par un simple informaticien sur le capital des connaissances humaines, qu'il va lui être permis de rentabiliser sans le moindre état d'âme, sous couvert de l'immense service rendu à la communauté des chercheurs (surtout les hémiplégiques et les paresseux). Une telle révolution, annoncée dans Livres en feu page 334, survient donc plus tôt que prévu et avec un opérateur inattendu. Elle pose tant de problèmes techniques, juridiques et intellectuels, voire philosophiques, qu'un bon chapitre dans la suite de ce livre ne sera pas de trop.

 

19 novembre 2004 : Le latingrec en appel. La réunion publique à l'EHESS du 15 mai, organisée par les vaillants centurions de l'enseignement des langues anciennes, a donné lieu à la publication d'un Appel pour le latin et le grec . Il est possible d'en obtenir un exemplaire gratuit par l'éditeur - évidemment - Les Belles Lettres.

 

18 novembre 2004 : Le prix du mal. Les lecteurs ordinaires ne s'en doutent pas. Chaque récipiendaire d'une grande récompense littéraire a accepté, déjà depuis des mois - parce que le parcours est long, d'interview en interview - de se déposséder de tout ce qui faisait sa vraie vie, afin de parvenir à cet état d'apesanteur où il finit par croire sincèrement en lui-même et en son oeuvre, sans quoi le prix ne peut lui être attribué. Tel un petit docteur Faustus, il lui est alors interdit de reconnaître ses amis dans la rue. Une autre vie commence, dont on mettra longtemps à guérir.

 

17 novembre 2004 : Sayyedna veille sur vous. L'homme à tête de tortue a fermé les yeux et croisé ses doigts moites pour l'action de grâce. Ses remerciements s'élèvent-ils vers quelque dieu ? Pas du tout. Ils vont vers le nouveau Vieux de la montagne qui, avec son habituel génie de la précision stratégique, a diffusé une vidéo juste à temps pour le faire réélire comme maître apparent du monde. La première action du nouveau président est de s'adjoindre comme adjudant une parfaitement convaincante monstresse de bande dessinée. A partir de maintenant, tout être humain est un ennemi potentiel. Les soldats ont bien compris le message d'encouragement : ils se mettent à achever les blessés irakiens.

Du haut de sa forteresse afghane, Notre Maître sourit dans sa barbe.

 

15 novembre 2004 : Question de mots. La plupart des pays ont un ministère de la défense, toujours un peu sur la défensive en effet quand il est forcé de se manifester. Mais vu la façon dont tournent les choses, ne serait-il pas plus judicieux de créer un ministère de l'attaque ?

 

15 octobre 2004 : Pour ceux et celles qui veulent des nouvelles d'Anna Amalia. En anglais ou en allemand, voir "http://www.anna-amalia-library.com/. Pour le français, il convient d'attendre un peu que l'auteur ait tout analysé.

 

30 septembre 2004 : Oeil pour oeil ? Un violeur récidiviste libéré par erreur. Les autorités judiciaires nous expliquent sans sourire qu'on a juste oublié de signer à son encontre la demande de prise de corps.

 

29 septembre 2004 : Lunettes noires. De retour du colloque international sur le sort de l'ancienne bibliothèque d'Alexandrie, qui a eu lieu du 26 au 28 septembre à la Bibliotheca Alexandrina (Egypte). Parmi les sujets abordés : les bibliothèques de l'ancienne Egypte, les troubles sous les Ptolémées et les Romains, Alexandrie entre les Arabes et Byzance. Une vingtaine de célèbres et parfois méritoires conférenciers se sont succédé. Il y avait beaucoup à apprendre ; de leur communication mais aussi de bien d'autres aspects de l'événement. Tant et si bien que cela sera analysé et rédigé un peu plus tard, dans ce journal ou quelque livre.

 

16 juin 2004 : Remise d'un bon point à l'auteur par la SGDL. Merci, chers confrères.

 

10 mars 2004 : plus que trois semaines pour signer la pétition qui sauvera le latingrec.

 

26 février 2004 : Les canisses de Canossa. Le mot arabe pour synagogue est "kanis", celui pour dire église est "kanisa". Faut-il voir là que le judaïsme participe d'un principe masculin et que la foi chrétienne est d'essence féminine ? Un papa, une maman ? On espère qu'il existe un philologue au savoir assez pénétrant pour nous expliquer un jour cet intriguant phénomène. Ces deux mots dérivent de la racine trilittère ka-na-sa, balayer, d'où seraient également issus par le plus grand des hasards, sans doute, "konasa" (ordures) et "makanis" (tanières).

 

 

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